B.- Les finalités du recours à l’obligation
Si on laisse de côté ses potentialités en qualité d’adjuvants à la mise en œuvre de politiques publiques, l’obligation réelle environnementale peut s’inscrire dans deux objectifs principaux. D’une part, être employée à des finalités de compensation (1), d’autre part, être l’instrument par lequel un propriétaire va manifester son engagement personnel en faveur de la biodiversité (B).
1.- L’emploi à des fins de compensation
L’article L. 132-3 dispose expressément, en son aliéna 2, que «les obligations réelles environnementales peuvent être utilisées à des fins de compensation.» Elles s’inscrivent donc dans le cadre plus large des principes directeurs de la loi du 8 août 2016 qui consacrent notamment la place éminente du «tryptique “éviter, réduire, compenser”» en droit de l’environnement. En application de l’article L. 163-1 du Code de l’environnement, le maître d’ouvrage, qui est tenu de compenser les atteintes à la biodiversité causées par la réalisation de son projet, dispose d’un choix entre trois voies. Il peut, tout d’abord, réaliser directement des opérations de compensation sur un terrain dont il a la maîtrise. Il peut, ensuite, conclure un contrat avec un tiers afin de lui confier la mission de mettre en œuvre, pour son compte, les mesures compensatoires. Il peut, enfin, acquérir des unités de compensation auprès d’un opérateur sur un site naturel de compensation. L’obligation réelle environnementale peut trouver à être employée dans ces trois hypothèses.
Lorsque l’aménageur choisit de réaliser directement les opérations de compensation, il lui est loisible d’acquérir un fonds sur lequel, au moyen d’un contrat conclu avec une personne qualifiée au sens de l’article L. 132-3 du Code de l’environnement, il fera naître les obligations réelles destinées à éteindre sa dette de compensation. Cette méthode a, cependant, été considérée comme n’étant pas idéale car, bien souvent, «le maître d’ouvrage y campe le rôle d’un propriétaire temporaire et opportuniste qui n’achète que pour créer la charge et s’acquitter de la dette de compensation.»
Lorsque l’aménageur choisit de passer par la conclusion d’un contrat avec un tiers qui réalisera pour son compte les opérations de compensation, va se mettre en place une relation tripartite instituée au travers de la conclusion de plusieurs conventions. Une première convention va être conclue entre l’aménageur et le propriétaire foncier par laquelle ce dernier s’engage à contracter des obligations réelles au titre de la compensation. En application de cet engagement, une deuxième convention, qui va donner naissance aux obligations réelles, est alors consentie par le propriétaire au profit d’une des personnes aptes légalement à conclure cette convention. Enfin, l’aménageur et la personne qualifiée vont conclure une troisième convention par laquelle l’aménageur s’engage à apporter à son cocontractant le financement nécessaire à la rémunération du propriétaire et à la mise en place des mesures compensatoires. Dans cette configuration, l’intervention d’une personne qualifiée, notamment une collectivité publique, permet d’assurer la bonne exécution des obligations de compensation.
Lorsque l’aménageur choisit d’acheter des unités de compensations, l’obligation réelle environnementale peut être employée afin de tailler sur mesure des unités de compensation qui soient «en phase» avec la dette de compensation pesant sur l’aménageur. En effet, dans cette situation, au vu de la nature des obligations de compensation imposées par l’administration à l’aménageur, le propriétaire foncier va consentir à un tiers qualifié des obligations réelles environnementales qui, s’il obtient l’agrément de son site, constitueront autant d’unités de compensation qui pourront être cédées à l’aménageur.
Le recours aux obligations réelles environnementales pour éteindre des dettes de compensation écologique a été vigoureusement combattu au cours des débats parlementaires. Il a, en effet, été proposé de supprimer cet emploi au motif que les obligations réelles environnementales ne sauraient devenir le support du dispositif de compensation car elles sont susceptibles d’engendrer, via le marché de la compensation, des remises en cause du rapport bailleur-preneur et du statut du fermage. Le risque ainsi dénoncé est donc que la consécration par la loi de la «valeur d’échange» de la biodiversité, qui traduit une «conception économique et financière de la nature», ne pousse certains propriétaires, attirés par le gain issu de la vente d’unités de compensation, à exercer des pression sur leurs preneurs pour les contraindre à accepter la conclusion d’obligations réelles. Cette argumentation n’a pas convaincu la majorité qui a estimé que les obligations réelles, même employées à des fins de compensation, «ne peuvent remettre en cause les rapports entre bailleurs et preneurs, dans la mesure où l’accord préalable du preneur à bail est requis.»
2.- Un engagement philanthropique
A côté de l’emploi intéressé des obligations réelles environnementales dans le cadre de l’exécution du devoir de compensation, on peut également concevoir un recours désintéressé à cet outil. Mu par ce que l’on a pu appeler un «civisme environnemental», un propriétaire peut fort bien décider de limiter volontairement ses prérogatives et celle de ses successeurs dans le but de protéger l’environnement et la biodiversité sur son fonds. Le recours à l’obligation réelle environnementale peut alors être un moyen de «ressusciter» les réserves volontaires qui avaient été supprimées par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002. Au travers de la conclusion d’un contrat avec une personne morale qualifiée, le propriétaire va alors, en échange par exemple d’un soutien financier ou technique de son cocontractant, pouvoir mettre en œuvre des pratiques destinées à conserver ou restaurer les atouts environnementaux de son fonds. Ce désintéressement suffit-il à affecter la nature du contrat ? La question peut se poser au regard de l’affirmation, parfois avancée, selon laquelle «le fait que l’objet du contrat est d’intérêt général plaide en faveur d’un contrat administratif.» Au regard des fondements civilistes de la technique utilisée, et en dépit de l’analyse voyant dans ce dispositif une consécration d’un «droit réel à vocation collective», une telle grille de lecture ne saurait de toute évidence être raisonnablement retenue en présence d’une opération ancrée dans l’aménagement des modalités d’exercice de la propriété privée.