I.- Un engagement volontaire
Tout au long des débats parlementaires, il a été souligné à de nombreuses reprises que la création d’une obligation réelle ne pouvait découler que d’un «engagement volontaire librement consenti», qu’il s’agissait d’une «démarche volontaire» ou encore que, s’agissant de la création d’une obligation réelle, «rien n’est obligatoire.» Si l’on ne saurait donc se méprendre sur le caractère entièrement libre de la démarche visant à instituer une telle obligation, encore faut-il déterminer la manière dont cet engagement va pouvoir s’exprimer. Or, à ce propos, le processus d’élaboration de la loi a été marqué par ce qui a pu être qualifié de «grande différence de philosophie» entre les chambres, ce qui paraît être une façon d’évoquer avec diplomatie un véritable dialogue de sourds entre les assemblées. Pour le Sénat, qui suivait en cela la conception du gouvernement à l’origine du projet, les choses étaient plutôt claires : l’obligation réelle environnementale est bel et bien «un dispositif contractuel» et l’engagement volontaire du propriétaire va se formaliser au travers de la conclusion d’une convention. En revanche, du côté de l’Assemblée, l’approche de cette question s’est avérée beaucoup moins assurée, pour ne pas dire totalement floue et hasardeuse. En effet, pour certains députés et notamment la rapporteure du projet, les obligations réelles «ne sont pas forcément contractuelles» et peuvent «résulter d’un engagement volontaire individuel non contractuel.» Au nom d’une telle analyse, toute tentative visant à rappeler ou à appliquer certaines règles du régime des contrats a été vivement écartée par l’Assemblée afin de ne pas accréditer «l’idée selon laquelle une obligation réelle environnementale naît toujours d’un contrat.» L’esprit d’une telle position tendrait donc à ouvrir largement la création de telles obligations qui pourraient alors notamment naître d’un acte unilatéral de volonté.
Bien que vigoureusement défendue par certains parlementaires, cette faculté pour l’obligation réelle de naître en dehors du contrat ne saurait être retenue, et cela pour deux raisons principales. D’une part, les qualifications juridiques employées les partisans de cette thèse se sont révélées parfois plus que fluctuantes puisque l’obligation réelle a, tour à tour, été qualifiée d’engagement volontaire individuel non contractuel, de servitude ou encore de contrat unilatéral. L’ampleur des difficultés éprouvées par les rédacteurs du texte lorsqu’il s’est agi de cerner la nature juridique de leur création démontre amplement qu’il ne faut pas accorder trop de poids à des déclarations hâtives ou contradictoires. D’autre part, l’affirmation selon laquelle l’obligation ne nait pas nécessairement d’un engagement contractuel est démentie de manière flagrante par la lettre même de la loi. A cet égard, la position de l’Assemblée est des plus étonnantes puisque, après avoir combattu l’introduction dans le texte de références au régime des contrats, elle a voté un texte dans lequel l’obligation réelle environnementale ne s’inscrit que dans un seul cadre : celui du contrat ! Il suffit pour s’en convaincre de rappeler que le texte prévoit que «les propriétaires […] peuvent conclure un contrat», que «les engagements réciproques […] doivent figurer dans le contrat», ou encore que la loi se réfère explicitement au «contrat faisant naître l’obligation réelle.»
Quoiqu’il en ait été dit au cours des débats, il faut donc approuver l’analyse selon laquelle la source de l’obligation réelle «ne peut donc être que conventionnelle.» Cette solution est d’ailleurs la seule conforme à l’intention des auteurs du projet de loi qui, dans l’exposé des motifs, ont clairement souligné que l’obligation réelle environnementale était un «outil reposant sur la liberté contractuelle.» Cette liberté des parties dans le façonnage de cet outil (A) n’est toutefois pas absolue car elle ne peut bien évidemment s’exercer qu’en respectant les droits des tiers (B).