L’importance de la carte professionnelle pour le syndic de copropriété

par Olivier BEDDELEEM, Docteur en droit
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L'essentiel

Article paru dans les Annales des Loyers N° 03 de mars 2024

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C’est un arrêt relativement rare en jurisprudence qui mérite donc qu’on s’y attarde car il permet un tour d’horizon des conséquences pour le syndic et pour le syndicat des copropriétaires de l’absence de carte professionnelle.

CA Versailles, 31 janvier 2024, n° 21/05524

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Le commentaire

La loi Hoguet impose la détention d’une carte professionnelle valable pour exercer l’activité de syndic de copropriété. Cet arrêt de la cour d’appel de Versailles rappelle l’importance de la carte professionnelle de l’agent immobilier. Il rappelle également les contours et les limites de la mission de l’administrateur provisoire. 


I.- L’effet de l’absence de carte professionnelle

Si le syndic ne dispose pas d’une carte professionnelle, il ne peut pas exercer la fonction de syndic de copropriété et les actes qu’il prendrait comme syndic seraient annulables. 

A.- Une condition d’exercice de la profession

Comme le prévoit l’article 1er de la loi du 2 janvier 1970, l’activité de syndic ne peut être exercée que par un agent immobilier disposant d’une carte professionnelle telle que définie par l’article 3 de la loi. 

Cet arrêt est intéressant en ce qu’il concerne la cession de l’agence et son effet. En l’espèce, un agent immobilier avait obtenu une carte professionnelle délivrée le 29 septembre 2018 et valable jusqu’au 28 septembre 2021. Il avait toutefois cédé son agence le 9 mars 2020 et informé le centre de formalités des professions immobilières avec un maintien des privilèges attachés aux cartes professionnelles jusqu’au 30 décembre 2020. En effet, la carte professionnelle est attachée à la personne de son représentant légal. Comme le rappelle l’article 3 de la loi Hoguet, si la carte est délivrée à une personne morale, il faudra que ses représentants légaux et statutaires justifient de la condition d’aptitude professionnelle, et ne pas être frappés d’une des incapacités ou interdictions d’exercer définies par la loi. 

Si le gérant cède son agence, le nouveau représentant légal doit réaliser les démarches auprès de la CCI pour obtenir une nouvelle carte professionnelle. En effet, comme le prévoit l’article 6 du décret du 20 juillet 1972, tout changement de dénomination ou de forme de la personne morale, de l’identité du ou des représentants légaux ou statutaires et de l’identité du garant ou de l’assureur de la responsabilité civile professionnelle doit faire l’objet d’une déclaration et conduire à la délivrance d’une carte professionnelle mise à jour. 

Or, le nouveau gérant avait entamé les démarches seulement le 31 mai 2021 et obtenu une nouvelle carte le 28 septembre 2021. Le syndic n’était donc pas titulaire d’une carte professionnelle au moment de la convocation de l’assemblée générale, ni au moment de sa tenue le 3 mai 2021. 

B.- Une condition de validité des actes de l’agent immobilier

L’absence de carte professionnelle constitue une infraction pénale, sanctionnée par les articles 14 à 18 de la loi Hoguet. 

Toutefois, cet arrêt démontre qu’il ne faut pas sous-estimer les sanctions civiles. Comme le reconnaissaient les juges, faute de justifier d’une carte professionnelle valide, le mandant du syndic était nul et le professionnel ne pouvait donc pas valablement représenter le syndicat des copropriétaires. Il s’agit d’une nullité de plein droit. 

Cela entraîne deux conséquences. D’une part, la décision d’assemblée générale de nommer un tel syndic est annulable. D’autre part, comme le rappelaient les juges, «les actes accomplis par le syndic dépourvu de carte professionnelle sont annulables : ce syndic ne peut pas valablement agir en justice au nom du syndicat, les assemblées générales qu’il convoque sont irrégulières puisque convoquées par un syndic sans pouvoir, les assemblées pouvant ainsi être annulées si elles font l’objet d’une action en contestation dans le délai légal de 2 mois».

Faute de disposer d’un mandat de syndic valable, le syndic ne pouvait pas non plus exercer les actes permis au syndic par la loi du 10 juillet 1965. En effet, comme le prévoit l’article 8 du décret de 1967, l’assemblée générale peut être convoquée par le syndic. Mais encore faut-il que le mandant du syndic soit valable. Faute de mandat, le professionnel ne pouvait donc pas convoquer une assemblée générale tant qu’il ne disposait pas d’une carte professionnelle valable. 

Cet arrêt est également intéressant du fait qu’il traite de la période COVID. Une des défenses du nouveau gérant était en effet la désorganisation des services de la CCI en période de COVID. Les juges rappelaient que l’article 3 de l’ordonnance du 20 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période avait prorogé les droits des cartes professionnelles venant à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, jusqu’au 23 septembre 2020, ce qui n’influait en rien dans le cas de la présente procédure, la période incriminée étant postérieure.


II.- La nomination d’un administrateur provisoire

A défaut de syndic, le juge peut nommer un administrateur provisoire. Cette désignation aura plusieurs effets. 

A.- La validité de la nomination de l’administrateur provisoire

Comme le prévoit l’article 46 du décret du 17 mars 1967, à défaut de nomination du syndic par l’assemblée des copropriétaires dûment convoqués à cet effet, le président du tribunal judiciaire désigne le syndic par ordonnance sur requête d’un ou plusieurs copropriétaires ou sur requête d’un ou plusieurs membres du conseil syndical ou du maire de la commune ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble.

L’article 47 ajoute que «Dans tous les cas, autres que celui prévu par le précédent article, où le syndicat est dépourvu de syndic, le président du tribunal judiciaire, statuant par ordonnance sur requête, à la demande de tout intéressé, désigne un administrateur provisoire de la copropriété qui est notamment chargé, dans les délais fixés par l’ordonnance, de se faire remettre les références des comptes bancaires du syndicat, les coordonnées de la banque et l’ensemble des documents et archives du syndicat et de convoquer l’assemblée en vue de la désignation d’un syndic dans les conditions prévues à l’article 9. Les fonctions de cet administrateur provisoire cessent de plein droit à compter de l’acceptation de son mandat par le syndic désigné par l’assemblée générale».

S’agissant d’une absence de pouvoir du syndic, c’est bien cet article 47 qu’il convenait d’appliquer et le juge pouvait donc, à la demande d’un copropriétaire, nommer un administrateur provisoire. 

Les juges précisent qu’il s’agit bien de la nomination d’un administrateur provisoire et non pas d’un mandataire ad hoc tel que prévu par l’article 29-1 de la loi. 

B.- L’étendue de la mission de l’administrateur provisoire

Lorsque le juge désigne un administrateur provisoire, il fixera également les contours de sa mission. Cependant, le juge est lié par la demande des parties et ne peut pas statuer au-delà. 

Les juges précisent qu’il n’est pas nécessaire que le juge ordonne à l’administrateur provisoire de convoquer une assemblée générale afin de désigner un nouveau syndic dès lors que ce chef de mission est compris dans sa mission. 

En revanche, le juge ne peut pas ajouter d’autres missions qui ne seraient pas demandées par le copropriétaire qui sollicitait l’administration provisoire. En l’espèce, le juge avait confié à l’administrateur provisoire une mission de contrôle des comptes. Or, une telle mission n’était pas sollicitée par les demandeurs. Le juge ne pouvait donc pas confier une telle mission à l’administrateur provisoire et celui-ci devait donc se contenter de la gestion courante de la copropriété et de la convocation d’une assemblée générale. 

Comme le rappelle l’administrateur provisoire dans cette affaire, si l’administrateur a été désigné dans les fonctions de syndic pour une durée de douze mois, un copropriétaire ne pouvait plus de sa propre initiative convoquer une assemblée générale pour désignation d’un nouveau syndic, cette possibilité ne lui étant offerte par la loi qu’en l’absence de syndic. 

Un jugement rendu en parallèle de cette procédure avait dès lors annulé l’assemblée convoquée par un copropriétaire qui avait nommé l’ancien syndic. 

Comme on peut le remarquer, le respect de la réglementation relative aux cartes professionnelles est fondamental et ses conséquences dépassent largement les sanctions pénales prévues par la loi Hoguet. Il conviendra donc d’être vigilant au respect des obligations d’obtention ou de transfert de la carte professionnelle, mais également de renouvellement des cartes professionnelles dans les temps. Une recommandation d’autant plus importante qu’une grande partie des cartes professionnelles des agents immobiliers et administrateurs de biens doivent être renouvelées le 1er juillet 2024.