L’articulation des responsabilités
Dans un immeuble en copropriété de la Côte d’Azur, les signes de la présence de termites dans la charpente avaient été repérables en mai-juin 2009. Par une lettre du 9 novembre 2009, le syndic professionnel avait pris l’initiative de tenir une réunion dans ses bureaux pour évoquer les vérifications à entreprendre sur la recherche des insectes xylophages.
En avril 2011, la municipalité, avisée de l’infestation de termites dans la commune, a demandé au syndic de faire établir un diagnostic à ce sujet. En juin 2011, un lot a été vendu sans que le syndic n’ait fourni la moindre information sur la présence d’insectes xylophages dans l’immeuble.
Découvrant l’infestation de termites fragilisant gravement le bâti, les acheteurs ont assigné les vendeurs ainsi que le syndicat des copropriétaires pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice. En effet, les charges de copropriété allaient être importantes pour assurer le traitement de la charpente.
Dans un arrêt du 30 mars 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté ces demandes. Pour elle, rien ne prouvait que les vendeurs eussent été informés de la présence de termites. Dès lors, il était impossible de parler d’un vice caché et de manœuvres dolosives relatives à la dissimulation par les vendeurs de l’infestation.
Quant aux éventuelles erreurs du syndic, la cour d’appel a estimé qu’elles n’étaient pas imputables au syndicat des copropriétaires, dont l’assemblée générale n’avait pas été sollicitée pour prendre les décisions nécessaires afin d’éliminer les termites.
Dans l’arrêt commenté rendu le 15 juin 2022, la Cour de cassation a accepté la mise hors de cause des vendeurs, mais a censuré l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence concernant la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
Selon la Haute juridiction, en application de l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil, tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage doit être réparé par celui dont la faute a occasionné ce préjudice.
Quant au mandant, il est tenu d’exécuter les engagements contractés par son mandataire.
Or, le syndic est le mandataire du syndicat des copropriétaires. Ce syndicat est donc responsable vis-à-vis des copropriétaires ou des tiers des fautes commises par ledit syndic.
La cour d’appel avait retenu les carences du syndic au titre du diagnostic et des mesures à prendre face à l’infestation des termites ainsi qu’une information inappropriée donnée au notaire lors de la vente, mais n’en avait pas tiré les conséquences.
L’arrêt d’appel fut donc cassé avec renvoi concernant la responsabilité du syndicat des copropriétaires et l’appel en garantie formé par ce dernier à l’encontre de son syndic.
Cette solution s’inscrit dans le sillage d’un arrêt antérieur relatif à des travaux inachevés après un incendie. Le syndicat des copropriétaires, mandant, avait été déclaré responsable à l’égard des copropriétaires des fautes commises par le syndic, son mandataire.
Avaient été visés par la Cour de cassation à la fois l’article 1998 du Code civil relatif au mandat et l’article 1147 (dans sa rédaction de l’époque) relatif à la responsabilité contractuelle.
Dans l’arrêt commenté ici, le syndicat des copropriétaires n’avait aucun lien contractuel avec les acquéreurs éventuels du lot. Le fait d’invoquer la responsabilité quasi-délictuelle était donc plus compréhensible.
Quant à la mise hors de cause des vendeurs dans l’arrêt commenté, elle est également logique.
Lorsqu’une commune place un immeuble dans une zone où une attaque de termites est possible, un diagnostic parasitaire doit intervenir. Toutefois, le vendeur n’est condamné au titre de la garantie du vice caché que s’il a sciemment dissimulé l’infestation. C’est le cas lorsqu’il recouvre la charpente par de la laine de verre, ou qu’il colmate le plancher avec du plâtre, par exemple.
Cependant, la clause d’exclusion de garantie des vices cachés, comprise dans la plupart des contrats de vente, s’applique quand il n’est pas prouvé que le vendeur connaissait la présence des termites.
Pour les acquéreurs, il est donc souvent plus facile d’agir contre le syndicat des copropriétaires, même s’il faut alors s’interroger sur l’étendue de l’indemnisation.