L’essentiel
Article paru dans les Annales des Loyers N° 09 de septembre 2022
Lorsque le syndic d’un immeuble en copropriété est averti de la présence d’insectes xylophages dans les parties communes, il doit le signaler auprès des acquéreurs éventuels d’un lot. Sinon, le syndicat des copropriétaires est tenu d’indemniser le préjudice subi par les acheteurs, quitte à se retourner ensuite contre le syndic.
Cass. 3e civ., 15 juin 2022, n° 21-16.223, inédit
Le commentaire
La présence d’insectes xylophages en copropriété pose des difficultés spécifiques. Elle implique fréquemment un défaut de surveillance de l’immeuble de la part du syndic.
En effet, sauf stipulations contraires du règlement de copropriété, les solives en bois qui soutiennent les planchers font partie du gros œuvre et sont donc parties communes. C’est le syndic, chargé de leur entretien, qui est donc le mieux placé pour connaître l’état de la charpente.
Or, souvent, et malgré les informations dont il dispose, le syndic n’avertit pas les acquéreurs de lots de copropriété lors des ventes quand des termites sont présents. Deux problèmes se posent alors. Comment s’articulent les responsabilités du syndic et celles du syndicat ? Sur quelle base l’indemnisation des acquéreurs doit-elle être opérée ?
L’articulation des responsabilités
Dans un immeuble en copropriété de la Côte d’Azur, les signes de la présence de termites dans la charpente avaient été repérables en mai-juin 2009. Par une lettre du 9 novembre 2009, le syndic professionnel avait pris l’initiative de tenir une réunion dans ses bureaux pour évoquer les vérifications à entreprendre sur la recherche des insectes xylophages.
En avril 2011, la municipalité, avisée de l’infestation de termites dans la commune, a demandé au syndic de faire établir un diagnostic à ce sujet. En juin 2011, un lot a été vendu sans que le syndic n’ait fourni la moindre information sur la présence d’insectes xylophages dans l’immeuble.
Découvrant l’infestation de termites fragilisant gravement le bâti, les acheteurs ont assigné les vendeurs ainsi que le syndicat des copropriétaires pour obtenir l’indemnisation de leur préjudice. En effet, les charges de copropriété allaient être importantes pour assurer le traitement de la charpente.
Dans un arrêt du 30 mars 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté ces demandes. Pour elle, rien ne prouvait que les vendeurs eussent été informés de la présence de termites. Dès lors, il était impossible de parler d’un vice caché et de manœuvres dolosives relatives à la dissimulation par les vendeurs de l’infestation.
Quant aux éventuelles erreurs du syndic, la cour d’appel a estimé qu’elles n’étaient pas imputables au syndicat des copropriétaires, dont l’assemblée générale n’avait pas été sollicitée pour prendre les décisions nécessaires afin d’éliminer les termites.
Dans l’arrêt commenté rendu le 15 juin 2022, la Cour de cassation a accepté la mise hors de cause des vendeurs, mais a censuré l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence concernant la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
Selon la Haute juridiction, en application de l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil, tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage doit être réparé par celui dont la faute a occasionné ce préjudice.
Quant au mandant, il est tenu d’exécuter les engagements contractés par son mandataire.
Or, le syndic est le mandataire du syndicat des copropriétaires. Ce syndicat est donc responsable vis-à-vis des copropriétaires ou des tiers des fautes commises par ledit syndic.
La cour d’appel avait retenu les carences du syndic au titre du diagnostic et des mesures à prendre face à l’infestation des termites ainsi qu’une information inappropriée donnée au notaire lors de la vente, mais n’en avait pas tiré les conséquences.
L’arrêt d’appel fut donc cassé avec renvoi concernant la responsabilité du syndicat des copropriétaires et l’appel en garantie formé par ce dernier à l’encontre de son syndic.
Cette solution s’inscrit dans le sillage d’un arrêt antérieur relatif à des travaux inachevés après un incendie. Le syndicat des copropriétaires, mandant, avait été déclaré responsable à l’égard des copropriétaires des fautes commises par le syndic, son mandataire.
Avaient été visés par la Cour de cassation à la fois l’article 1998 du Code civil relatif au mandat et l’article 1147 (dans sa rédaction de l’époque) relatif à la responsabilité contractuelle.
Dans l’arrêt commenté ici, le syndicat des copropriétaires n’avait aucun lien contractuel avec les acquéreurs éventuels du lot. Le fait d’invoquer la responsabilité quasi-délictuelle était donc plus compréhensible.
Quant à la mise hors de cause des vendeurs dans l’arrêt commenté, elle est également logique.
Lorsqu’une commune place un immeuble dans une zone où une attaque de termites est possible, un diagnostic parasitaire doit intervenir. Toutefois, le vendeur n’est condamné au titre de la garantie du vice caché que s’il a sciemment dissimulé l’infestation. C’est le cas lorsqu’il recouvre la charpente par de la laine de verre, ou qu’il colmate le plancher avec du plâtre, par exemple.
Cependant, la clause d’exclusion de garantie des vices cachés, comprise dans la plupart des contrats de vente, s’applique quand il n’est pas prouvé que le vendeur connaissait la présence des termites.
Pour les acquéreurs, il est donc souvent plus facile d’agir contre le syndicat des copropriétaires, même s’il faut alors s’interroger sur l’étendue de l’indemnisation.
Les modalités de l’indemnisation
Sur le plan de l’équité, la réparation devrait être intégrale lorsque des citoyens ont reçu des informations fausses à l’occasion de l’achat d’un bien. Ceux qui ont donné des éléments trompeurs devraient indemniser le coût des travaux nécessaires pour que le vice qui avait été caché disparaisse. Certaines juridictions adoptent cette position.
Concernant la présence de capricornes non signalés par un état parasitaire lors d’une vente, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi estimé que l’indemnisation devait être intégrale et se faire à la hauteur des travaux nécessaires pour faire disparaître ces insectes xylophages.
En 2007, la même chambre avait confirmé cette approche. Lors d’une vente, un diagnostic avait relevé l’absence du plomb pourtant présent. Le diagnostiqueur a été condamné à indemniser l’acheteur à la hauteur du coût des travaux indispensables pour supprimer l’accès au plomb.
Quelques années après, et à propos d’une société de diagnostic en faillite qui n’avait pas relevé la présence de termites dans un bien, la troisième chambre civile a accepté une condamnation de la société et de son assureur. L’indemnité a été fixée à la hauteur du coût de la destruction et de la reconstruction de la maison. On était bien au-delà de la simple perte de chance.
Néanmoins, la première chambre civile a choisi une attitude différente. À l’occasion d’une cession de bien où un notaire et des intermédiaires de vente avaient caché des désordres de construction importants, il a été estimé que l’indemnisation ne devait être effectuée qu’au niveau de la perte d’une chance pour les acquéreurs de négocier un prix plus bas s’ils avaient été mieux informés.
La deuxième chambre civile a adopté la même position en matière de dissimulation de la présence d’amiante lors d’une vente. Elle relevait que «les travaux de désamiantage non obligatoires au regard de la règlementation alors en vigueur ne constituaient pas un préjudice certain».
Pour les justiciables, la divergence entre les trois chambres de la Cour de cassation induisait une imprévisibilité du droit.
Afin de régler la question, les trois chambres en question ainsi que la chambre commerciale se sont réunies à l’occasion d’un litige à trancher. L’affaire était classique.
Lors d’une vente, le diagnostiqueur avait établi un état parasitaire où il avait omis de signaler l’infestation avancée d’un immeuble par des termites. La société de diagnostic, qui a été mise en liquidation, ainsi que son assureur, furent assignés par les acheteurs.
La Cour de cassation a décidé que les acquéreurs devaient être indemnisés à la hauteur du coût des travaux nécessaires pour remédier au vice.
Elle s’est fondée sur l’article du Code de la construction et de l’habitation imposant la fourniture d’un diagnostic relatif à la présence des termites dans certaines zones. Cette position a été bien reçue en doctrine.
Désormais, la situation devrait être claire.
Toutefois, la cour d’appel de Dijon semble avoir choisi de résister à cette jurisprudence.
Un agent immobilier avait manqué à son devoir de conseil en oubliant de souligner la présence d’insectes xylophages lors d’une vente. La toiture était pourtant déformée à la suite des ravages causés par les animaux en question, et un professionnel aurait dû s’en rendre compte. L’agent immobilier n’a néanmoins été condamné que sur le fondement de la perte d’une chance pour l’acquéreur d’acheter le bien moins cher.
Cet arrêt devrait rester isolé. La limitation de l’indemnisation à la perte de chance semble réservée au diagnostic de performance énergétique et au diagnostic d’exposition au bruit d’aérodromes. Ces deux diagnostics n’ont qu’une valeur indicative en application du CCH.
Au vu de la situation géopolitique depuis février 2022 et des tensions induites sur le marché de l’énergie, souhaitons d’ailleurs que ces exceptions disparaissent. Si cette réforme salutaire intervenait, un diagnostic erroné entraînerait toujours l’indemnisation du préjudice certain constitué par la réparation nécessaire pour éliminer le vice caché.
Par extension, on peut également espérer que la jurisprudence sur l’indemnisation de la seule perte de chance en matière de mesurage erroné prenne fin, au besoin grâce à une intervention du législateur.
Les risques de décisions judiciaires atypiques seront ainsi limités, puisque les inexactitudes dans des diagnostics lors des ventes donneront toujours lieu à indemnisation du préjudice certain induit par l’erreur commise.