L'essentiel
Article paru dans les Annales des Loyers N° 04 d'avril 2024
Les agents immobiliers en transaction sont directement concernés par la législation relative au démarchage. Un arrêt important de la Cour de cassation du 24 janvier 2024 permet de faire le point sur les principales obligations dans le cadre de contrats conclus hors établissement.
Cass. 1re civ., 24 janv. 2024, n° 22-16.115, publié au bulletin
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Le commentaire
Cet arrêt ne concerne pas directement un mandat immobilier, s’agissant d’un contrat relatif à la pose de panneaux photovoltaïques, mais ses enseignements sont directement applicables aux mandats conclus par des agents immobiliers. Cet arrêt présente la particularité d’avoir été rendu avec une «motivation enrichie» et présente donc une argumentation détaillée.
I.- Le formalisme du contrat conclu hors établissement
Le Code de la consommation pose un ensemble de conditions à la validité formelle d’un mandat conclu hors établissement. Si ces conditions ne sont pas respectées, le contrat pourrait toutefois être confirmé.
A.- Les conditions de validité du contrat conclu hors établissement
La dénomination des mandats de transaction immobilière est souvent trompeuse. Une loi du 22 décembre 1972 visait «à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile». On parle depuis lors, de mandats avec ou sans démarchage. Toutefois, il convient de parler de mandats «en agence» et de mandats conclus «hors établissement». En effet, les articles L. 221-1 à L. 221-9 du Code de la consommation réglementent désormais les «contrats conclus à distance et hors établissement». Sont donc visés à la fois les contrats conclus dans le cadre d’un démarchage mais également l’ensemble des contrats conclus en dehors du lieu habituel de vente ainsi que les contrats conclus à distance.
Les conditions formelles de validité de ce mandat posées par le Code de la consommation sont nombreuses. Le professionnel devra ainsi fournir une information précontractuelle, un exemplaire daté du contrat comprenant toutes les informations prévues à l’article L. 221-5, ou encore un formulaire type de rétractation mentionné au 7° de l’article L. 221-5.
Comme le prévoit l’article L. 221-18 du Code de la consommation, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation.
L’article L. 221-20 indique pour sa part que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 7° de l’article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l’article L. 221-18.
B.- La confirmation du contrat
Dans l’arrêt du 24 janvier 2024, un acquéreur a conclu un contrat hors établissement relatif à la fourniture et à la pose de panneaux photovoltaïques. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l’acquéreur a assigné le vendeur en annulation du contrat.
Comme le prévoit l’article 1182 du Code civil, «La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé. La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers».
L’article 1183 ajoute qu’une «partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé. L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé».
Ces dispositions résultent de l’ordonnance du 10 février 2016 relative à la réforme du droit des obligations.
Les juges ont été amenés à déterminer ce que constituait «l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de cause de la nullité», qui permettrait la confirmation du contrat affecté d’une irrégularité formelle.
II.- L’évolution jurisprudentielle
Après avoir accepté de confirmer les contrats au motif de la reproduction de la réglementation dans le contrat, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence.
A.- La confirmation liée à la reproduction de la loi dans le contrat
Dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation affirmait que la reproduction lisible des dispositions du Code de la consommation, jointe à l’exécution volontaire du contrat par l’intéressé, permettait la confirmation de l’acte nul.
Un arrêt du 9 décembre 2020 refusait ainsi d’annuler un contrat. Les juges constataient que si le contrat ne respectait pas les dispositions légales, il était cependant reproduit au verso du bon de commande, après les conditions générales de vente, les dispositions des articles L. 121-23 à L.121-24 du Code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles. Les juges en déduisaient que les emprunteurs avaient exécuté volontairement le contrat, en connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui valait confirmation du contrat et les privait de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées.
Un arrêt du 31 août 2022 confirmait que «La reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions».
Comme le rappelait la Cour de cassation dans l’arrêt commenté du 24 janvier 2024, l’objectif de cette jurisprudence était d’éviter que les acquéreurs échappent à leurs obligations en invoquant une irrégularité formelle du contrat de vente, alors que celui-ci avait fait l’objet d’une exécution normale. Toutefois, cette jurisprudence était en opposition avec l’objectif de protection du consommateur posée par la loi.
B.- Le revirement de jurisprudence
A la suite des décisions de 2020 et 2022, les juges du fond se sont opposés à l’application de la nouvelle jurisprudence.
Comme le remarquait la Cour de cassation, la question de la confirmation du contrat conclu hors établissement a fait l’objet d’un contentieux fourni. Les juges du fond ont eu deux approches différentes. Une partie des juridictions ont appliqué la règle posée par la Cour de cassation mais adopté une approche in concreto. Une autre partie des cours d’appel refusait d’appliquer cette jurisprudence et excluaient que la seule reproduction, même lisible, de textes du Code de la consommation soit suffisante pour caractériser une connaissance du vice.
Cette opposition des juges du fond a conduit la Cour de cassation à faire évoluer sa jurisprudence en deux temps.
Un arrêt du 1er mars 2023 autorisait toujours la confirmation par la seule reproduction lisible mais exigeait que les dispositions du Code de la consommation reproduites sur le bon de commande soient précisément celles qui fixaient les règles dont l’inobservation fondait la demande d’annulation formée par les consommateurs.
L’arrêt commenté du 24 janvier 2024 met fin à l’incertitude jurisprudentielle en opérant un revirement de jurisprudence et en décidant que «le seul fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reprenaient les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-21, L. 121-21-2 et L. 121-21-5 du code de la consommation, dans des caractères de petite taille mais parfaitement lisibles, était insuffisant en lui-même à révéler à l’acquéreur les vices affectant ce bon».
Un agent immobilier qui conclut un mandat hors établissement devra ainsi être vigilant au respect des dispositions formelles du Code de la consommation car la seule reproduction du Code de la consommation ne suffira pas à garantir le paiement des honoraires en cas d’exécution du contrat.