Le privilège immobilier spécial dont jouit le syndicat des copropriétaires lui a été octroyé par la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l’habitat. Ce texte, dont l’une des finalités était de favoriser l’amélioration des copropriétés, a tiré le constat d’une insuffisance marquée des moyens d’actions du syndicat en matière de recouvrement des charges. Ainsi que cela fut abondamment souligné1, l’hypothèque légale dont bénéficiait le syndicat s’avérait tout à la fois coûteuse à maintenir en raison des inscriptions répétitives et relativement inefficace puisque le prix de vente du lot était fréquemment attribué à des créanciers mieux placés en rang ou en temps2.
Dès lors, face à l’inadéquation des instruments offerts par le droit positif, il fut résolu de compléter la palette des outils nécessaires au recouvrement des créances du syndicat en insérant dans la loi du 10 juillet 1965, un article 19-1 disposant que «l’obligation de participer aux charges et aux travaux mentionnés aux articles 10 et 30 est garantie par le privilège immobilier spécial prévu par l’article 2103 (devenu l’article 2374) du Code civil.» Aussi, le syndicat des copropriétaires fut-il autorisé à entrer dans le cercle très fermé des bénéficiaires d’un privilège immobilier. Rares sont en effet ceux qui se voient accorder une telle faveur puisque l’article 2374 du Code civil dénombre moins d’une dizaine de privilèges immobiliers spéciaux. La parcimonie avec laquelle le législateur accorde ce traitement particulier résulte, comme on l’a expliqué, du fait que «le rang prioritaire reconnu aux privilèges immobiliers spéciaux constituerait une menace pour le crédit immobilier si ces sûretés étaient trop nombreuses et attachées à des créances dont le fait générateur est, pour des tiers, difficile à connaître.»
L’octroi au syndicat d’un tel bénéfice a parfois été remis en question par certaines voix. A ainsi été posée la question de savoir si les créances du syndicat auraient «un intérêt si important pour mériter un tel privilège ?». Les auteurs de cette interrogation ont notamment souligné qu’il eut été, d’une part, plus simple d’améliorer le fonctionnement de l’hypothèque légale du syndicat que de créer un nouveau droit exorbitant et, d’autre part, plus efficace de rappeler aux débiteurs l’existence de leurs obligations, et aux syndics d’employer à bon escient les voies d’exécution que leur offre la loi. Malgré ces quelques voix discordantes, l’octroi au syndicat de ce privilège a globalement été bien accueilli par la doctrine, certains s’enthousiasmant même à l’idée que le syndicat soit désormais titulaire d’un «super-privilège.» Plus de vingt ans après son introduction dans le statut de la copropriété et malgré les tentatives récentes ayant pu être faites pour améliorer le dispositif, on ne peut que constater un désenchantement certain envers cet outil qui, déjà soumis à des conditions d’application exigeantes (I), n’a manifestement pas réussi à tenir ses promesses lorsqu’il se trouve confronté à l’épreuve des procédures collectives (II).
1- V. not. L. Guégan, A propos du privilège immobilier spécial du syndicat des copropriétaires, Administrer oct. 2015, p. 38.
2- F. Givord, Cl. Giverdon & P. Capoulade, La copropriété, Dalloz Action, n° 339.
3- Ph. Delebecque, F.J. Pansier& V. Brémond, J.-Cl. Procédures formulaires, Fasc. 10, Privilèges, n° 4
4- Ph. Delebecque& Ph. Simler, Le privilège spécial immobilier du syndicat des copropriétaires, RDI 1994, p. 482.
5- V. contre cette qualification de «superprivilège » : P. Capoulade, obs. sous CA Paris, 10 oct. 2000, AJDI 2001, p. 614 & CA Paris, 19 mai 2005, AJDI 2005, p. 910.
6- V. en ce sens, le titre de la chronique de J. Hocquard, Privilège du syndicat des copropriétaires : de la divine surprise à la divine comédie, Administrer oct. 2002, p. 8.
I.- Des conditions exigeantes
Le privilège immobilier spécial confère au syndicat une place particulièrement avantageuse dans la hiérarchie des créanciers dans l’hypothèse d’une vente du lot du copropriétaire débiteur7. L’article 2374, 1°, 1 bis place, en effet, par principe le syndicat au même rang que le vendeur d’immeuble et le préteur de deniers s’agissant des créances garanties de l’année courante et des quatre dernières années échues. Le syndicat peut même, en ce qui concerne les créances afférentes aux charges et travaux de l’année courante et des deux dernières années échues, être préféré à ces deux concurrents. Le syndicat se révèle ainsi être en situation de détenir «un privilège préférentiel ou prééminent»8 qui n’est primé que par de rares créanciers privilégiés et superprivilégiés. Pour autant, l’accession à ce statut apparemment enviable est loin d’être aisé, le privilège étant, d’une part, soumis au principe d’interprétation stricte (A) et, d’autre part, subordonné à des modalités de mise en œuvre rigoureuses (B).
A.- Un texte par une interprétation stricte.
Dans la version originelle de l’article 19-1, le privilège immobilier spécial n’avait vocation à garantir que les créances correspondant aux charges visées à l’article 10 et aux travaux de l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965. En d’autres termes, la faveur accordée au syndicat n’avait qu’un objet relativement restreint. Il s’agissait, tout d’abord, des charges de l’article 10, c’est-à-dire aussi bien celles générales, afférentes à la conservation, l’entretien et la conservation des parties communes, que celles spéciales engendrées par les services collectifs et les éléments d’équipement communs. Etaient, ensuite, concernés les travaux de l’article 30, cette notion faisant référence aux travaux d’amélioration, tels que la transformation d’éléments existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement de locaux affectés à l’usage commun ou encore la création de tels locaux.
Toujours guidée par le «caractère de droit strict que revêt tout privilège»9, la jurisprudence a fermement refusé de faire rentrer dans le champ de l’article 19-1 des créances non explicitement visées par la loi. Ce mouvement a été initié par une décision des juges du fond soulignant que les frais de relance, les intérêts de retard et les frais de dossier contentieux ne constituent pas des charges et des travaux bénéficiant du privilège de l’article 2103 ancien du Code civil10. Ce mouvement a été poursuivi par une décision de la Cour de cassation qui censura une décision qui avait étendu le domaine du privilège immobilier spécial en considérant qu’il pouvait garantir le remboursement anticipé pour cause de cession de lot, d’une quote-part du capital d’un emprunt contracté par le syndicat pour effectuer des travaux de conservation de l’immeuble. Comme le souligna la Cour régulatrice, un tel remboursement n’est pas assimilable au paiement des charges de copropriété dues pour l’année en cours et les années antérieures échues11. Et, si besoin était, ce principe fut encore réaffirmé par une décision rendue l’année suivante et par laquelle la Cour rappela que le privilège ne concernait que les charges et travaux visés aux articles 10 et 30 et ne pouvait être étendu aux autres créances que détenait le syndicat à l’égard du vendeur, quelles qu’en fussent la nature et l’origine. Partant, les intérêts dus sur les créances du syndicat n’étaient pas garantis par ce privilège12.
Afin de prévenir la dégradation de la situation financière de certains syndicat et de faciliter la réalisation des travaux de conservation de l’immeuble, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a réformé la rédaction de l’article 19-1 de la loi du 10 juillet 1965. Désormais, ce texte dispose que «sont garantis par le privilège immobilier spécial prévu par l’article 2374 du Code civil : l’obligation de participer aux charges et aux travaux mentionnés aux articles 10 et 30, les cotisations au fonds de travaux mentionné à l’article 14-2, les créances afférentes aux travaux de restauration immobilière réalisés en application du c du II de l’article 24, les dommages et intérêts alloués par les juridictions au syndicat des copropriétaires, ainsi que le remboursement des dépens.» Ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 2017, réalise donc une extension notable du champ d’application du privilège.
Pour autant, même si cette intervention législative a quelque peu relâché les mâchoires de l’étau qui enserrait l’objet du privilège, elle ne remet nullement en question les autres hypothèses d’application du principe traditionnel d’interprétation stricte des privilèges. Les solutions rendues alors par la jurisprudence sous l’empire de la loi du 21 juillet 1994, et qui témoignent d’une très ferme volonté de ne pas étendre le privilège immobilier spécial au-delà des prévisions du texte, demeurent donc valables. Cette position, qui a conduit les tribunaux à borner rigoureusement les hypothèses d’application de cette prérogative, se manifeste notamment dans la décision susmentionnée de la Cour de cassation qui, après avoir souligné que la créance afférente au remboursement anticipé d’un emprunt ne relevait pas du champ d’application de l’article 2103 ancien du Code civil, a surtout posé le principe selon lequel le privilège ne concerne que les charges afférentes aux lots vendus. En conséquence, la quote-part relative aux lots que le copropriétaire conserve ne peut être intégrée dans l’assiette du privilège.13
B.- Des modalités rigoureuses de mise en œuvre
La mise en œuvre du privilège spécial immobilier obéit à des modalités devant être scrupuleusement observées, sous peine de voir la créance du syndicat dégénérer potentiellement jusqu’en créance chirographaire. Ce principe est exprimé par les termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyant que «l’opposition régulière vaut au profit du syndicat mise en œuvre du privilège mentionné à l’article 19-1.» A contrario, cela signifie bien évidemment qu’une opposition irrégulière est inapte à produire un quelconque bénéfice pour le syndicat14. De cette solution découlent deux conséquences que la jurisprudence n’a pas manqué de rappeler.
En premier lieu, il est certain que l’opposition qui, en violation des prévisions de l’article 5-1 du décret du 17 mars 1967, n’indique pas le montant et les causes de la créance ne peut valoir mise en œuvre du privilège du syndicat15. En second lieu, l’opposition qui énonce, certes, les causes et le montant de la créance mais le fait de manière insuffisante, ne peut davantage ouvrir la voie au bénéfice du privilège immobilier spécial16. Ici encore, les tribunaux tiennent fermement la main à l’exigence d’un strict respect du formalisme ainsi qu’en témoigne une décision dans laquelle était en cause l’opposition au paiement du prix de vente sur adjudication de deux groupes de lots appartenant à un même copropriétaire17. Le syndicat avait, en l’espèce, formé opposition pour chacune des deux ventes en fournissant des données chiffrées identiques alors que la composition des lots était différente. Comme l’ont relevé certains commentateurs de cette décision18, le syndicat avait choisi «une solution de facilité» en raisonnant globalement c’est-à-dire en calculant de manière globale sa créance à l’égard du copropriétaire vendeur, puis en la répartissant en deux parts égales sur chacune des ventes. La Cour de cassation a, dans ce litige, approuvé les juges du fond d’avoir déclaré cette opposition irrégulière faute d’être accompagnée d’un décompte détaillé lot par lot. Au soutien de cette solution, la Cour a affirmé que l’opposition doit comporter, non seulement la répartition des charges et des travaux selon le privilège ou le «superprivilège» que le syndicat invoque, mais aussi le détail des sommes réclamées selon leur nature, et le lot auquel elles sont afférentes.
Certes, le non-respect des prescriptions de l’article 5-1 du décret du 17 mars 1967, et notamment l’absence de distinction entre les quatre types de créances, n’a pas pour effet de faire disparaître ces créances19. Il est, en effet, établi en jurisprudence que l’absence de ventilation des chefs de créance a pour seul effet de faire perdre aux créances bénéficiant de l’article 2374, 1° bis, du Code civil leur caractère privilégié et superprivilégié, celles-ci ne pouvant alors valoir que comme créances hypothécaires ou chirographaires20. Ce principe a été régulièrement rappelé et, notamment, par une décision dans laquelle le syndicat avait fait une opposition pour une somme globale résultant d’un décompte informatique commençant par une reprise de solde antérieur et n’opérant aucune distinction entre les différents chefs de créance21. Refusant de prononcer une nullité qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux seules oppositions n’ayant pas énoncé le montant et les causes de l’opposition, la Cour a souligné que, s’agissant des oppositions ayant seulement pour vice de ne pas distinguer entre les différentes catégories règlementaires, les créances du syndicat subsistent et sont simplement privées de leur caractère privilégié. Il n’en demeure pas moins que, comme cela a été très justement souligné, l’inobservation des formalités légales «est grave de conséquences pour le syndicat, indépendamment des responsabilités professionnelles encourues»22 dès lors que la perte du privilège entraîne une dégénérescence radicale de la créance.
7- Cass. 3e civ., 15 fév. 2006, n° 04-19.095, JCP N 2006, 1278, obs. S. Piedelièvre. - RTD civ. 2006, p. 599, obs. P. Crocq (affirmant que le privilège immobilier spécial bénéficiant au syndicat des copropriétaires ne s’exerce qu’en cas de vente du lot de copropriété).
8- F. Givord, Cl. Giverdon & P. Capoulade, op. cit., n° 342.
9- Cl. Giverdon, obs. sous Cass. 3e civ., 15 mai 2002, n° 00-19.832, D. 2003, p. 1333.
10- CA Paris, 4 fév. 1999, AJDI 1999, p. 629, obs. Cl. Giverdon.
11- Cass. 3e civ., 15 mai 2002, n° 00-19.832, D. 2003, p. 1333, obs. Cl. Giverdon, Gaz. Pal. 2002, n° 201, p. 13, obs. F. Ghilain, Loyers et copr. 2002, comm. n° 215, obs. G. Vigneron, Rev. dr. banc. fin. 2002, 133, obs. D. Legeais.
12- Cass. 3e civ., 6 mai 2003, n° 02-10.712, Rev. loyers, p. 410 obs. J.M. Roux.
13- Cass. 3e civ., 15 mai 2002, n° 00-19.832, D. 2003, p. 1333, obs. Cl. Giverdon, Gaz. Pal. 2002, n° 201, p. 13, obs. F. Ghilain, Loyers et copr. 2002, comm. n° 215, obs. G. Vigneron, Rev. dr. banc. fin. 2002, 133, obs. D. Legeais.
14- En ce sens : J. Lafond & J.M. Roux, Code de la copropriété, Lexis Nexis, obs. sous art. 20 L. 10 uill. 1965. Pour des illustrations, v. CA Paris, 10 oct. 2000, AJDI 2001, p. 614, obs. P. Capoulade Cass. 2e civ., 20 oct. 2005, n° 03-17.550, D. 2006, p. 1860, obs. P. Capoulade.
15- Cass. 3e civ., 28 fév. 2001, Loyers et copr. 2001, comm. n° 133, obs. G. Vigneron.
16- Cass. 3e civ., 25 oct. 2006, Loyers et copr. 2007, comm. n° 17, obs. G. Vigneron.
17- Cass. 3e civ., 3 nov. 2011, n° 10-20.182, JCP E 2012, 1422, obs. Ph. Simler & Ph. Delebecque, JCP G 2012, doctr. 465, obs. H. Périnet-Marquet.
18- Ph. Simler & Ph. Delebecque, obs. sous Cass. 3e civ., 3 nov. 2011, n° 10-20.182, précit.
19- CA Paris, 19 mai 2005, AJDI 2005, p. 910, obs. P. Capoulade.
20- Cass. 3e civ, 27 nov. 2013, n° 12-25.824, D. 2013, p. 2847, obs. Y. Rouquet.
21- Cass. 3e civ., 27 nov. 2013, AJDI 2014, p. 622, obs. D. Tomasin
22- P. Capoulade, obs. sous CA Paris, 10 oct. 2000, AJDI 2001, p. 614.
II.- Une efficacité décevante
En pratique, le privilège immobilier spécial a quelque peu déçu les espoirs qui avaient pu être placés en lui, cette déception conduisant parfois à le qualifier de «reflet d’une pensée mal dégrossie.»23 En effet, lorsqu’il est confronté à la procédure collective du copropriétaire débiteur, son intérêt tend à se réduire comme peau de chagrin, d’une part, en raison de son caractère occulte (A) et, d’autre part, en raison de l’application des règles propres au classement des créanciers dans les procédures collectives (B).
A.- La conséquence du caractère occulte
L’originalité majeure du privilège spécial immobilier du syndicat réside dans le fait qu’il s’agit d’un privilège occulte. Cette caractéristique découle des dispositions de l’article 2378 du Code civil qui dispose que «sont exceptées de la formalité de l’inscription […] les créances du syndicat de copropriétaires énumérées à l’article 2374.» Une telle solution a provoqué la surprise, et parfois les critiques, d’une partie de la doctrine qui a relevé que l’existence d’un privilège spécial dispensé d’inscription constituait «une incongruité à l’égard de la publicité foncière.»24 Quelles qu’aient été les reproches adressés à cette solution, elle découle sans ambigüité des textes et la jurisprudence l’a appliquée fidèlement en considérant notamment que «les privilèges accordés au syndicat par l’article 2103 (ancien) du Code civil sont des privilèges occultes, dispensés des formalités de l’inscription aux termes de l’article 2107 (ancien) dudit Code.»25
La dispense d’inscription, qui a par ailleurs soulevé des difficultés au regard des spécificités du droit d’Alsace-Moselle26, semble avoir été conçue par le législateur comme une faveur présentée aux syndicats de copropriétaires. Mais ce “cadeau” s’est rapidement révélé empoisonné lorsqu’une procédure collective était ouverte contre le débiteur. En effet, comme l’exprima un commentateur27, dans une telle hypothèse, le caractère occulte du privilège a pu «se retourner»28 contre le syndicat. Ainsi que le souligna rapidement une décision largement remarquée des juges du fond29, un syndicat des copropriétaires ne peut échapper à la forclusion, faute d’avoir déclaré à temps sa créance dans la procédure collective, au motif qu’il n’avait pas été avisé par le représentant des créanciers. Comme la même cour l’expliqua de manière plus développée dans un arrêt ultérieur, la dispense de publication posée par l’article 2103 et 2107 (anciens) ne permet pas aux titulaires du privilège spécial immobilier de bénéficier des dispositions de l’article 50 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu L. 622-24 du Code de commerce) relatives à l’avertissement personnel des créanciers disposant de sûretés publiées ; observation faite que l’opposition pratiquée successivement ente les mains de l’avocat poursuivant puis entre celles de l’avocat du créancier poursuivant, ne peut avoir valeur de publication au sens de cet article30. Cette analyse fut confirmée par la Cour de cassation qui estima à son tour qu’un syndicat de copropriétaires n’a pas à être averti d’avoir à déclarer sa créance31. Faute d’avoir fait preuve de la plus grande vigilance, le syndicat court donc le risque de laisser passer les délais de déclaration de créances et devra «à l’instar des créanciers chirographaires […] essayer de sauver de l’extinction une créance non déclarée dans le délai en sollicitant un relevé de forclusion.»32
B.- La rétrogradation au sein de l’ordre
Déjà victime, en cas de procédure collective, de la métamorphose d’un avantage en un inconvénient, le syndicat s’expose également à un second désagrément d’ampleur : il est en effet «mieux traité pour les créances nées avant le jugement [d’ouverture de la procédure collective] que pour celles nées après.»33 Cette solution découle d’un avis rendu par la Cour de cassation sur la question de savoir, en cas de liquidation judiciaire du copropriétaire débiteur, quel était le texte s’appliquant pour colloquer un syndicat de copropriétaires. La réponse de la Cour avait consisté à affirmer que «la collocation d’un syndicat de copropriétaires, en raison des créances garanties en vertu de l’article 2103, 1° bis (ancien) du Code civil dont il est titulaire à l’encontre d’un copropriétaire mis en liquidation judiciaire, est soumise, s’agissant de créances nées postérieurement au jugement d’ouverture, aux dispositions de l’article 40, 5° de la loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 631-32, III, 5° du Code de commerce (aujourd’hui L. 641-13 du Code de commerce)»34
Ainsi que cela a été souligné avec ironie, le syndicat des copropriétaires, pour les créances postérieures au jugement d’ouverture, «se voit gratifié du cinquième rang»35. Non seulement ce rang, «un peu dédaigneusement»36 attribué au syndicat, est le plus bas pouvant être affecté aux créances de l’article L. 641-13 du Code de commerce, mais encore il constitue une rétrogradation du syndicat par rapport au rang qu’il occupe pour les créances antérieures au jugement d’ouverture. En d’autres termes, à suivre cette solution réaffirmée, il y a quelques mois par une décision des juges du fond37, le privilège immobilier du syndicat des copropriétaires «ne se conçoit que pour les charges antérieures. Pour les charges postérieures, c’est le privilège de la procédure collective qui prend le relais et il est ici primé par les droits du créancier hypothécaire.»38 Un tel résultat est effectivement des plus «curieux»39 dès lors que l’octroi au syndicat du bénéfice du privilège de la procédure collective le désavantage par rapport à la situation qu’il connaissait antérieurement.
Il a été néanmoins observé que cette solution, bien que largement évoquée, ne correspond plus nécessairement à la subtilité des règles régissant l’ordonnancement des créances à la suite des nombreuses réformes législatives ayant affecté les procédures collectives40. En effet, en application des principes édictés en dernier lieu par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, a été établi un nouveau critère d’éligibilité au traitement préférentiel des créances qui ne dépend pas exclusivement d’un simple critère temporel. Pour n’en conserver que l’essence, il en ressort qu’à prendre en pleine considération le principe d’une subordination du classement de la créance à la finalité poursuivie par celle-ci, ne doivent être regardées comme assorties du privilège de la procédure que les sommes dues par un copropriétaire ayant établi dans l’immeuble sa résidence principale ou ayant affecté le lot à l’exploitation de son activité41.
23- Ph. Dupuis, Privilège du syndicat des copropriétaires et liquidation judiciaire des sociétés, Gaz. Pal. 2000, n° 34, p. 3.
24- M. Cabrillac, obs. sous CA Paris, 30 oct. 1998, JCP E 1999, p. 810.
25- CA Paris, 12 mars 2002, AJDI 2002, p. 770, obs. P. Capoulade.
26- Sur cette question, désormais réglée par la loi , v. CA Colmar, 2 avr. 1998, RDI 1999, p. 137, obs. Ph. Théry. Adde : T. inst. Huningue, 16 nov. 1995, RDI 1996, p. 417, obs. P. Capoulade & Cl. Giverdon.
27- A. Lienhard., obs. sous CA Paris, 8 fév. 2001, D. 2001, p. 1244.
28- A. Lienhard., obs. sous CA Paris, 8 fév. 2001, précit.
29- CA Paris, 30 oct. 1998, D. 1998, IR p. 263, D. Aff. 1999, p. 36, JCP E 1999, p. 810, obs. M. Cabrillac, Act. Proc. Coll. 1999, n° 33, obs. J. Vallansan.
30- CA Paris, 8 fév. 2001, AJDI 2001, p. 888, obs. P. Capoulade.- D. 2001, p. 1244, obs. A. Lienhard. Dans le même sens : CA Paris, 12 mars 2002, AJDI 2002, p. 770, obs. P. Capoulade, relevant que les privilèges accordés au syndicat par l’article 2103 ancien «ne peuvent être assimilés à ceux ayant fait l’objet d’une publication. »
31- Cass. com. , 4 mars 2003, n° 00-11.952, AJDI 2003, p. 513, obs. Cl. Giverdon, RTD com. 2003, obs. A. Martin-Serf.
32- A. Lienhard, obs. sous CA Paris, 8 fév. 2001, D. 2001, p. 1244.
33- Ph. Théry, obs. sous Cass., avis, 21 janv. 2002, n° 01-00009, Defrénois 2002, p. 1092.
34- Cass., avis, 21 janv. 2002, n° 01-00009, Defrénois 2002, p. 1092, obs. Ph. Théry, RTD com. 2002, p. 727, obs. A. Martin-Serf.
35- A. Martin-Serf, obs. sous Cass., avis, 21 janv. 2002, n° 01-00009, précit.
36- F. Givord, Cl. Giverdon & P. Capoulade, op. cit., n° 357.
37- CA Caen, 7 avr. 2015, Lettre d’actualité des proc. coll. civ. et co., mai 2015, alerte 142, obs. P. Cagnoli.
38- P. Cagnoli, obs. 55 CA Caen, 7 avr. 2015, précit.
39- P. Cagnoli, obs. 55 CA Caen, 7 avr. 2015, précit.
40- M. Cazajus, Le sort de la créance du syndicat des copropriétaires en liquidation judiciaire, Dr. et patrim. 2015, n° 249
41- M. Cazajus, op. cit., loc. cit.