[06-2019] - Droit de rétractation de l’acquéreur immobilier : une notification irrégulière
- par Christelle Coutant-Lapalus - Maître de conférences en droit privé, Université de Bourgogne
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Cass. 2e civ., 21 mars 2019, n° 18-10.772, P-B+I
En vertu de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, tout acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation est investi d’un droit de renoncer, sans frais, à son projet d’acquisition. Alors qu’elle fêtera prochainement ses vingt ans, cette disposition nourrit aujourd’hui encore un vaste et abondant contentieux qui concerne tant son champ d’application que ses modalités d’exercice. Ce contentieux pourrait s’étoffer dans les mois à venir en raison d’une nouvelle obligation imposée par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi ELAN, d’indiquer «de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion». Un arrêt du 21 mars 2019, promis à une large publication, apporte d’importantes précisions sur la notification du droit de rétractation à l’acquéreur non-professionnel.
En l’espèce, une promesse de vente portant sur un bien à usage d’habitation a été conclue par l’intermédiaire d’une agence immobilière. Le jour même de sa conclusion l’avant-contrat est notifié à chacun de deux acquéreurs, mais seul l’époux signe l’avis de réception tant du courrier qui lui est destiné que de celui qui est destiné à son épouse. Or, lorsque le notaire convoque les parties en vue de la réitération par acte authentique de la promesse, ces derniers lui indiquent s’être rétractés. Le notaire dresse alors un procès-verbal de difficultés pour défaut de consentement des acquéreurs. Les vendeurs décident d’assigner les acquéreurs ainsi que l’agent immobilier en paiement de la clause pénale stipulée dans l’avant-contrat et en indemnisation du préjudice subi. Leurs demandes ayant été rejetées par la cour d’appel de Paris, ils forment un pourvoi en soutenant, d’une part, qu’en raison d’un mandat apparent la notification à destination de l’épouse était valable et, d’autre part, que l’agent immobilier en ne les informant pas des conséquences d’une signature identique sur les deux avis de réception, a commis une faute.
Ces arguments sont partiellement accueillis. La Cour de cassation confirme, en effet, que le délai de rétractation n’a pas couru à l’égard de l’épouse, mais censure l’analyse des juges du second degré en ce qu’ils ont écarté toute faute de l’intermédiaire immobilier. Cette décision rappelle ainsi les conditions d’une notification régulière (I), et précise les conséquences d’une notification irrégulière (II).