Conseil constitutionnel, décision n° 2024-1126, QPC du 5 mars 2025
Le Conseil constitutionnel a été saisi le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article L. 411-2-1 du Code de l'environnement auquel les requérants reprochent de ne pas préciser suffisamment les critères permettant de reconnaître de façon anticipée une raison impérative d'intérêt public majeur. Ils soutiennent également qu’il ne permettrait pas au juge d'exercer son contrôle en tenant compte des caractéristiques concrètes du projet. En outre, elles priveraient certains tiers de la possibilité de contester utilement cette décision. L’un des requérant soutient que ces dispositions, faute de soumettre le décret qualifiant un projet d'intérêt national majeur à une procédure d'information et de participation du public, méconnaîtraient l'article 7 de la Charte de l'environnement. Après avoir rappelé les dispositions des articles 16 de la Déclaration de 1789, L. 411-1 du Code de l'environnement, c du 4° du paragraphe I de l'article L. 411-2 du même code, L. 300-6-2 du Code de l'urbanisme et L. 411-2-1 du Code de l'environnement, le Conseil a indiqué qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire l'incertitude juridique pesant sur certains projets industriels. Il a donc poursuivi un objectif d'intérêt général. Il a rappelé que si ces dispositions privent un requérant de la possibilité de contester la reconnaissance de la raison impérative d'intérêt public majeur, cette restriction ne s'applique que dans le cas où cette reconnaissance bénéficie à des projets industriels qualifiés d'intérêt national majeur en raison de leur importance pour la transition écologique ou la souveraineté nationale. Par ailleurs, la reconnaissance de la raison impérieuse d'intérêt public majeur peut être contestée à l'occasion d'un recours dirigé contre le décret qualifiant le projet industriel de projet d'intérêt national majeur et les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à la possibilité ouverte à toute personne ayant un intérêt à agir de demander, dans les conditions du droit commun, l'abrogation des décrets prévus par les dispositions contestées. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Le grief tiré de la méconnaissance d'un tel droit doit donc être écarté. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a précisé que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'une dérogation à la réglementation relative aux espèces protégées. Ainsi, l'autorité administrative demeure tenue d'apprécier, sous le contrôle du juge, la condition tenant à l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur au regard de la nature du projet industriel envisagé. Il appartient ensuite à l'autorité administrative compétente, lors de la délivrance de la dérogation, de s'assurer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. En conséquence, le grief tiré de la méconnaissance des articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement ne peut donc qu'être écarté. Il en va de même du grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant ces mêmes exigences, ainsi que de celui tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement. En conséquence, le second alinéa de l'article L. 411-2-1 du Code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, est conforme à la Constitution.
À noter :
- Arrêté du 8 février 2025 portant autorisation exceptionnelle au titre de l'article L. 121-5 du Code de l'urbanisme en vue de l'implantation d'une station d'épuration des eaux usées sur la commune de Pleumeur-Bodou (Côtes-d'Armor) soumise à la loi littoral, JO du 23 février 2025