F. Blatrix Contat, L’immobilier de l’administration territoriale de l’Etat (Sénat, rapp. n° 769), 24 septembre 2024
Un rapport d’information de la commission des finances du Sénat s’est penché sur l’immobilier de l’administration territoriale de l’État (ATE). Le constat dressé est celui d’une dégradation globale et continue du parc qui se poursuit inexorablement, ce secteur faisant figure de parent pauvre au sein des dépenses du ministère de l’intérieur. Ce patrimoine, qui peut être propriété de l’État, mis à disposition par des collectivités territoriales, ou encore loué à des bailleurs privés, comporte 2 871 bâtiments hébergeant près de 75 000 agents pour une surface utile brute (SUB) de plus de 3 millions de m². Y figurent notamment les préfectures ainsi que leurs sous-préfectures, des directions départementales interministérielles (DDI), des directions régionales du champ de l’administration territoriale de l’État ou encore des services de l’Éducation nationale installés en cité administrative, dans des locaux communs avec les précédents services. S’agissant des bâtiments mis à disposition par les collectivités territoriales, le rapport invite, dans une démarche de simplification et de rationalisation et afin d’améliorer la vision stratégique du ministère sur son patrimoine, à procéder à leur cession à l’Etat lorsque seuls les services de ce dernier les occupent. En ce qui concerne les locaux loués à des bailleurs privés, qui représentent près de 10 % des surfaces occupées par ces services, leur location coûte 91,32 millions d’euros, soit 27 % des dépenses immobilières du programme et près de deux fois et demie (241 %) les dépenses d’investissement immobilier. Doivent alors être encouragés les projets visant à abandonner des baux au profit de sites domaniaux dès lors qu’ils présentent un retour sur investissement très performant, les dépenses engagées étant rapidement compensées par les économies induites en fonctionnement. Le rapport souligne également le mauvais état de ce patrimoine, qui continue à faire l’objet de mesures de restrictions budgétaires. Selon une expression reprise par le rapport, et singulièrement en ce qui concerne l’administration territoriale, l’État se comporte comme un mauvais propriétaire. Il est alors préconisé tout d’abord d’améliorer la connaissance du parc, et de renforcer les compétences immobilières parmi les agents de cette administration. Il est ensuite suggéré de remédier aux retards dans l’entretien normal des bâtiments, provoqués en partie par l’annulation récente de crédits, qui se traduisent par une dégradation physique des bâtiments liée à une maintenance insuffisante. Un effort de rationalisation des programmes est également à envisager, la multiplication des vecteurs budgétaires nuisant à la fois à la capacité de pilotage des projets, et au déploiement d’une réelle stratégie immobilière, qui s’inscrit dans la durée. Enfin, il apparaît indispensable qu’afin de réussir sa transition écologique, l’Etat réponde aux contraintes qu’il a lui-même fixées. Or, le rapport souligne à cet égard le retard et l’absence de réelle planification des besoins de rénovation énergétique alors même que les estimations d’un investissement de 17 milliards d’euros sur 30 ans pour remettre à niveau le parc immobilier de l’État paraissent, selon le document, grandement irréalistes car très en deçà des coûts réels. Dans un tel cadre, la satisfaction des objectifs énergétiques ne peut se faire à parc immobilier constant et passe par une politique de densification beaucoup plus ambitieuse, les biens situés dans le périmètre de l’ATE offrant à cet égard une certaine marge de manœuvre. Enfin, le rapport plaide pour un rééquilibrage des arbitrages budgétaires au sein du ministère de l’intérieur afin de ne plus mettre en balance les dépenses immobilières avec les autres priorités politiques du ministère. Dans cette perspective, les crédits nécessaires à l’entretien et à la rénovation thermique des bâtiments doivent être sanctuarisés, en écartant la possibilité laissée au ministère de prioriser d’autres postes de dépenses. Cette sanctuarisation pourrait, à l’instar des solutions adoptées dans certains Etats de l’UE, prendre la forme d’une foncière publique. Cette structure, en limitant le morcellement de la gouvernance et l’éclatement des financements, est jugée apte à contribuer de manière positive à l’amélioration de la gestion de l’immobilier de l’État territorial, en faisant notamment de la région l’échelon territorial de référence, et en confiant l’ensemble des décisions stratégiques au préfet de région.