[URBANISME] Veille.- Etude.- Sols artificialisés.- ZAN.- Artificialisation.- Contributeurs.- Secteurs économiques

par Guilhem GIL, Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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E. de L’Estoile, M. Salin, Quels secteurs économiques contribuent à l’artificialisation des sols en France ? Banque de France, 30 juillet 2024

Une note de la Banque de France rapporte les conclusions d’une étude visant à identifier les secteurs économiques représentant les plus importants utilisateurs du stock de sols artificialisés. En effet, si l’artificialisation liée à la construction de logements est largement documentée, celle qui est due aux bâtiments d’activité économique est bien moins connue, alors même qu’elle représentait environ un quart de la surface artificialisée (un peu moins de 5 000 hectares par an) au cours de la dernière décennie. La méthode retenue par l’étude a consisté, pour chaque parcelle bâtie, à repérer les établissements d’entreprises qui les occupent, grâce à un croisement spatial utilisant leur géolocalisation. Cette démarche permet de calculer la surface bâtie qu’occupe chaque établissement, qui est ensuite agrégée à l’échelle du secteur d’activité afin d’obtenir des comptes annuels détaillant pour chaque secteur sa contribution au flux d’artificialisation et son utilisation du stock de foncier artificialisé entre 2008 et 2021. Cette étude met en lumière des pratiques d’artificialisation très différenciées entre secteurs, étant précisé que la notion de «contributeurs à l’artificialisation» est entendue dans ce document comme recouvrant les secteurs qui utilisent les terres nouvellement artificialisées, sans tenir compte du rôle d’autres acteurs, comme les collectivités locales qui accordent les permis de construire, le secteur de la construction ou encore les propriétaires des murs. Le principal contributeur est le commerce de gros et de détail, bien que sa contribution relative ait diminué au fil des ans (passant de 30 % de l’artificialisation due à l’activité à la fin des années 2000 à moins de 20 % à la fin des années 2010). À l’inverse, l’Industrie manufacturière a vu dans le même temps sa part dans l’artificialisation croître pour atteindre 20 % en 2018. Par ailleurs, une différenciation géographique des résultats montre que ces dynamiques peuvent varier selon le contexte local. En effet, si le commerce était le secteur le plus contributeur dans la plupart des départements en 2008, la situation est beaucoup plus nuancée en 2019, l’étude soulignant l’existence d’une diversification à la fois sectorielle et spatiale, le volume d’artificialisation pour l’activité économique n’étant plus aussi concentré qu’auparavant autour de l’Île-de-France. Le document rapporte également que l’utilisation du stock de sols déjà artificialisés (qui représentent environ 8 % du territoire national, tous usages – logement et activité - compris) varie également selon les secteurs. Si les secteurs du commerce et manufacturier se distinguent en matière d’emprise foncière totale, le classement change lorsqu’est prise en compte la surface moyenne par établissement en rapportant l’emprise sectorielle au nombre d’établissements du secteur : le secteur des Industries extractives est en tête (14 000 m2 par établissement en moyenne), suivi de l’Énergie et de l’Eau et déchets (environ 4 500 m2 en moyenne). Au sein même des secteurs, sont observés des écarts importants, en particulier dans l’industrie manufacturière où l’utilisation de surfaces artificialisées par établissement est très hétérogène. Le document propose également une mesure de l’efficacité (ou intensité) foncière, indiquant l’emprise au sol moyenne en m² nécessaire pour produire un euro de valeur ajoutée dans chaque secteur. À nouveau, une forte hétérogénéité sectorielle est visible : pour produire 1 000€ de valeur ajoutée, les entreprises du secteur de l’Information et Communication n’ont besoin que de 0,1m² tandis qu’il faut plus de 3 m² en moyenne dans l’Hébergement et restauration. Enfin, l’étude se penche sur la vulnérabilité des secteurs économiques face à la raréfaction du foncier disponible qui est susceptible d’affecter leur développement. Afin d’évaluer les vulnérabilités sectorielles dans un scénario où la politique de ZAN ferait croître le prix du foncier bâti (quoique ce ne soit pas une conséquence nécessaire de la loi), sont combinés les comptes d’emprise et d’artificialisation avec des données supplémentaires, comme les bilans des entreprises. Les conclusions incitent à une analyse nuancée, notamment car si certains secteurs semblent plus susceptibles d’être exposés au renchérissement du foncier en raison de leur utilisation importante de terrains bâtis, ils ne seraient pas forcément les perdants de cette politique de transition. Par exemple, la majorité des entreprises du secteur de l’industrie sont propriétaires du foncier qu’elles utilisent et devraient donc bénéficier d’une croissance des prix immobiliers. De plus, certains secteurs pourraient s’adapter plus facilement à un nouveau contexte de sobriété foncière, en accroissant leur efficacité foncière par exemple.