CE, 6e et 5e ch., 13 octobre 2023, n° 464202
Le Conseil d'Etat a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur certaines dispositions issues de l'ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte. Etait notamment visé l'article 244 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 qui a introduit dans le Code de l'urbanisme un article L. 219-1, dont la rédaction a été modifiée par l'ordonnance litigieuse. Ce texte met en place, dans les communes concernées, un droit de préemption pour l'adaptation des territoires au recul du trait de côte. Selon les requérants, une telle disposition aurait méconnu le principe de libre administration des collectivités territoriales en ce que le législateur n'aurait pas prévu de ressources particulières pour que les communes et établissements publics de coopération intercommunale littoraux puissent mettre en œuvre ce droit de préemption. Le Conseil d’Etat a considéré qu’il résultait des dispositions en cause que l'usage de ce droit de préemption constitue une simple possibilité pour les communes concernées, qu'elles pourront décider de mettre en œuvre en prenant en considération, notamment, les ressources dont elles disposent. Dès lors le grief tiré de ce que l'article L. 219-1 du Code de l'urbanisme aurait méconnu la libre administration des collectivités territoriales n’a pas été considéré comme présentant un caractère sérieux. Ont semblablement été écartés les griefs tirés de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence et porté atteinte au droit de propriété en omettant de prévoir qu'il serait tenu compte, dans la fixation de l'indemnité d'expropriation, de l'état des ouvrages de protection et des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, puisqu’il résulte du dispositif légal que l'évaluation des biens immobiliers soumis au recul du trait de côte et susceptibles d'être préemptés ou expropriés relève, à défaut d'accord amiable, du juge judiciaire, compétent en matière d'expropriation, et tient compte de l'exposition du bien au recul du trait de côte, le législateur ayant ainsi garanti la prise en compte de la situation particulière de chaque bien. N’a pas davantage rencontré un accueil favorable l’argument des requérants selon lequel le principe de libre administration des collectivités territoriales aurait été méconnu par les articles L. 312-8 et L. 312-9 du Code de l'urbanisme subordonnant la relocalisation des ouvrages menacés par le recul du trait de côte à l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, créant ainsi selon les demandeurs une tutelle de l'Etat en matière d'urbanisme. Le Conseil a, en effet, estimé que ces dispositions qui donnent aux autorités compétentes de l'Etat le pouvoir de s'opposer à une opération de relocalisation dérogeant aux dispositions du Code de l'urbanisme relatives aux zones littorales, ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte qui excéderait la réalisation de l'objectif d'intérêt général poursuivi par les nécessités de protection de l'espace particulièrement sensible que constitue le littoral. Au regard de l’absence de caractère sérieux de l’intégralité des griefs invoqués, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer les questions de constitutionnalité soulevées au Conseil constitutionnel.