[URBANISME] Veille.- Rapport.- Artificialisation des sols

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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J.-B. Blanc, A.-C. Loisier, Ch. Redon-Sarrazy, Objectif de zéro artificialisation nette à l'épreuve des territoires, Rapport d'information (n° 584), Sénat, 12 mai 2021

Article paru dans les Annales des Loyers N° 06 de juin 2021 

En prévision de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » par le Sénat en juin, sa commission des affaires économiques a reçu un rapport consacré à la lutte contre l'artificialisation des sols. Ce phénomène correspond au  changement d'état d'un sol naturel, en raison de son mode d'usage ou d'occupation et peut  intervenir via la construction de bâti, le revêtement, ou la stabilisation des sols. Ce travail part du constat selon lequel, selon les mesures, entre 5 et 9,5 % du territoire français serait aujourd'hui artificialisé. Près de 28 % de cette surface relèverait d'infrastructures, 14 % de l'activité économique, et 42 % de l'habitat. Sur la dernière décennie, le rythme d'artificialisation se situait autour de 28 400 hectares par an, destinés très majoritairement à la construction de logements (y compris jardins), cette artificialisation se réalisant souvent au détriment de terres agricoles. Ainsi que le souligne le document, les conséquences environnementales néfastes de l'artificialisation diffuse des sols sont désormais bien identifiées : dégradation de la capacité des sols à absorber l'eau par infiltration ; perte de biodiversité ; réduction du potentiel de stockage carbone en raison de la perte de végétation ; renforcement des «îlots» de chaleur en zone urbaine. Le rapport prend acte du renforcement significatif de l'arsenal législatif et réglementaire intervenu depuis le début des années 2000, ayant conduit à la création des plans locaux d'urbanisme (PLU), des schémas de cohérence territoriaux (SCoT) et de cohérence écologique (SRCE). De même est noté que de plus en plus de PLU(i) opèrent des «rétrozonages» de zones auparavant constructibles, pour les reclasser en zones naturelles ou forestières, les opérations de densification, de recyclage foncier et de réhabilitation des bourgs existants se multipliant également. Afin de promouvoir un effort supplémentaire, le document expose trois principes.

Le premier réside dans la territorialisation, jugée indispensable pour permettre la différenciation locale. Ainsi que le relève le document, la dynamique d'artificialisation et ses déterminants varient très fortement selon les circonstances locales sur lesquelles influent notamment le degré d'urbanisation, le type d'activité économique, mais surtout la pression foncière. Allant à rebours des pistes du projet de loi « Climat et résilience » jugées non satisfaisantes, les auteurs du rapport estiment plus pertinent et efficace de fixer les objectifs au niveau des SCoT et des PLU(i), en cohérence avec la répartition des compétences décentralisées, et à un échelon qui permet le meilleur dialogue préalable à la fixation des objectifs, ceux du SRADDET devant garder une logique d'orientation générale plutôt qu'une logique prescriptive. Le deuxième principe est axé autour de la notion d’articulation afin de concilier les objectifs des politiques publiques, parfois contradictoires. Ainsi, le rapport estime qu'un objectif de 50 % de réduction de l'artificialisation pourrait conduire à construire 100 000 logements de moins chaque année. Les rédacteurs du document recommandent alors de prendre en compte l'impact cumulé de l'ensemble des législations et réglementations existantes sur le potentiel foncier lors de la fixation des objectifs de réduction de l'artificialisation, et, en particulier, de tenir compte de l'application des lois Littoral et Montagne, des protections spécifiques liées aux espaces naturels et agricoles, mais aussi des obligations en matière de construction de logement social dans les communes soumises à la loi SRU. Afin de mettre en œuvre cette démarche, il est préconisé de renforcer les dispositifs d'observation du foncier et des loyers mis en place dans les territoires, dans l'objectif notamment de documenter les tendances d'évolution des prix du foncier en lien avec la lutte contre l'artificialisation. Enfin, le troisième principe se situe dans le renforcement de l’accompagnement en vue de faire de l'artificialisation un concept opérationnel en droit de l'urbanisme, au regard des instruments de mesure existants et des capacités des collectivités territoriales comme des acteurs de l'aménagement. A cette fin, il conviendrait, selon le rapport, de  renforcer la logique de bilan des documents de planification, d’affiner leur échelle et leurs outils pour viser une plus grande efficacité de la politique locale d'urbanisme.