[LOGEMENT] - Veille.- Rapport.- Prix de l’immobilier.- Politique du logement

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
Affichages : 892

Jean-Marie Bockel, Les communes face à l’inflation des prix de l’immobilier : Quels moyens d’action pour réguler le marché ?, Rapport d’information n° 475, 28 mai 2020

Un rapport établi au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat s’intéresse à la situation des communes face à l’inflation des prix de l’immobilier et tente d’envisager les moyens d’action permettant de réguler le marché. Ce document souligne à titre liminaire que l’année 2019 a été celle de tous les records : explosion des transactions immobilières, taux d’emprunt historiquement faibles et prix en constante augmentation. Le document souligne ainsi qu’en dix ans à peine, les prix à l’achat des biens immobiliers ont augmenté de 61 % à Paris, 62 % à Lyon, 79 % à Bordeaux. Cette tendance touche particulièrement les métropoles, mais aussi des villes moyennes, et engendre des conséquences que le rapport estime de plus en plus difficiles à gérer pour les élus locaux : dévitalisation de certains territoires en situation de relégation économique ; disparités territoriales exacerbées mécaniquement par les différences de prix entre centres-villes et périphéries ou zones rurales ; éloignement des populations entraînant une augmentation des temps de transport ; impact sur les centres-villes des plateformes de location saisonnière.

Dans un premier temps, le rapport cherche à identifier les causes économiques et sociétales de l’inflation des prix de l’immobilier. Au titre des causes économiques, figure au premier rang le desserrement des contraintes liées au crédit bancaire.  En effet, selon les auteurs du document, si le pouvoir d’achat immobilier est resté assez stable depuis plusieurs années, c’est parce que la hausse importante des prix a été compensée par la baisse des taux d’intérêt, l’augmentation des quotités prêtées et l’allongement de la durée des prêts. Cela a favorisé l’investissement dans l’immobilier à un point tel que redevient possible le risque d’une bulle spéculative sur le marché immobilier, principalement dans certaines villes où le prix du mètre carré apparaît désormais comme déconnecté de la valeur fondamentale des biens. Quant à l’impact des plateformes de location touristique sur les prix de l’immobilier, il est jugé difficilement mesurable.  En effet, cet impact se mesure davantage sur le marché locatif par l’effet inflationniste engendré sur le niveau des loyers, en particulier dans les villes touristiques, que sur le marché immobilier de l’achat proprement dit.  En outre, le rapport souligne également les effets positifs de cette pratique tels qu’une meilleure utilisation du bâti, pour lutter contre la sous-utilisation des résidences secondaires ; la possibilité donnée aux propriétaires d’obtenir des revenus pour payer leurs charges et réhabiliter leurs biens ;  une meilleure dispersion du tourisme sur l’ensemble du territoire par la multiplication de l’offre d’hébergement ; des retombées fiscales pour les communes à travers le versement de la taxe de séjour. Au titre des causes sociétales et politiques, le document souligne essentiellement que le marché de l’immobilier est également influencé par les politiques publiques du logement qui ont eu tendance à aggraver la dynamique inflationniste Ces politiques demeurent en effet orientées vers le soutien à la demande, ce qui peut avoir des effets contradictoires. En est particulièrement révélateur l’exemple du prêt à taux zéro (PTZ) destiné aux ménages primo-accédants qui a largement alimenté la demande et donc les prix, représentant une dépense fiscale de plus d’un milliard d’euros en 2019. Le constat vaut également pour les dispositifs Périssol, Robien, Borloo, Scellier, Duflot, ou Pinel en faveur de la multiplication de l’offre sur le marché locatif qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années. Ceux-ci ont mécaniquement provoqué une augmentation de la demande sur le marché de l’immobilier, qui a elle-même entraîné une croissance des prix.

Dans un second temps, le rapport cherche à identifier les moyens d’actions à disposition des communes pour réguler le marché de l’immobilier. Le premier levier consiste à limiter les prix en agissant sur l’offre au travers de l’augmentation de la taille du parc de logements disponibles. Pour cela, le document estime qu’il faut encourager les mises en chantier, et notamment tenter de relancer la mise en place des coopératives d’habitants. Afin de mettre en œuvre un aménagement du territoire davantage réfléchi, il est suggéré de poursuivre la lutte contre les logements vacants en remettant en question le rythme actuel de construction qui est très élevé mais mal réparti puisque l’on construit actuellement trop dans certaines zones peu tendues et pas suffisamment dans les zones tendues. Le rapport souligne également l’intérêt pour les pouvoirs publics de davantage sécuriser les bailleurs dans leurs relations avec leurs locataires afin d’éviter que les propriétaires, face au renforcement constant des droits des locataires, ne retirent purement et simplement leurs biens immobiliers du marché de la location. Enfin, en matière de politique de l’offre, il est également recommandé de miser sur la réhabilitation des logements anciens dégradés qui permet de remettre dans le circuit des logements remis aux normes et qui peuvent être attractifs pour les familles, permettant ainsi de maintenir de l’activité commerciale et de lutter contre la dévitalisation des centres-villes. Le second levier consiste à agir sur la demande au travers d’un renforcement des contraintes pesant sur le marché. A la question de savoir s’il convient de réguler davantage les plateformes numériques de location, le rapport répond que, l’arsenal juridique s’étant considérablement renforcé ces dernières années, le cadre légal paraît suffisant, alors qu’un nouveau durcissement n’aurait pas forcément d’effet sur les prix de l’immobilier à l’achat, et, pire, risquerait de priver de revenus complémentaires de nombreux propriétaires de leur résidence principale. Quant à la question de savoir s’il faut rendre les actifs immobiliers moins compétitifs en pénalisant leur rendement, elle est traitée sous trois aspects distincts. Le premier est celui de l’encadrement du prix des loyers, en particulier dans les zones tendues. Se fondant sur une étude de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) indiquant que la mise en place de l’encadrement a conduit à faire baisser le nombre de locations disponibles, le rapport estime que l’encadrement des loyers n’apparaît pas comme une solution miracle pour limiter l’inflation des prix, a fortiori s’agissant de l’achat immobilier, qui reste peu tributaire de cette variable. Le deuxième aspect concerne la question de l’augmentation de la fiscalité sur les actifs immobiliers. Tout en reconnaissant qu’en principe, une taxation plus forte rendra l’actif immobilier moins attractif aux yeux d’un investisseur, ce qui provoquera une baisse de la demande, et logiquement une baisse des prix, le rapport souligne que cette solution n’a jamais prouvé empiriquement son efficacité, les faits démontrant à l’inverse que l’augmentation de la pression fiscale sur les revenus immobiliers a suivi la courbe d’augmentation des prix. Enfin, le dernier aspect est relatif au devenir des dispositifs de défiscalisation. Le rapport insiste sur le fait que les stratégies publiques mises en place depuis plus de trente ans pour rendre l’investissement locatif extrêmement rentable comparé aux investissements financiers montrent leurs limites, car les prix de l’immobilier n’ont absolument pas diminué. En réalité, ces dispositifs ont favorisé la construction dans des zones où l’offre était déjà abondante, notamment en périphéries de villes moyennes. Le document préconise donc la limitation de ces dispositifs de défiscalisation afin freiner la spéculation sur le foncier, la manne financière des dépenses fiscales devant être réorientée vers le logement social et intermédiaire, et non plus vers des produits de marché qui favorisent essentiellement les propriétaires investisseurs.