Cass. 3e civ, 27 juin 2019, n° 18-17.662, publié au bulletin.
Une SCI a été constituée entre deux époux. Le mari est décédé, en laissant pour lui succéder sa veuve et leur fils ainsi que deux enfants, issus d’une première union. La SCI et le fils commun aux époux fondateurs ont assigné les enfants issus de la précédente union et la veuve aux fins de voir désigner un mandataire chargé de représenter l’indivision successorale. Les enfants issus de la précédente union ont alors sollicité, reconventionnellement, la condamnation de la SCI et de son gérant à leur communiquer les bilans et comptes d’exploitation de la SCI à compter de l’année 2006 et l’ensemble des relevés de comptes s’y rapportant. L’arrêt d’appel (CA Aix-en-Provence, 11 mai 2018, RG n° 17/10403), ayant fait droit à cette demande, la SCI et le fils commun aux fondateurs ont formé un pourvoi en cassation, reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir déclaré les demandes reconventionnelles recevables et de les avoir condamnés, sous astreinte, à communiquer les relevés de comptes de la SCI depuis l’année 2006 et tous les documents comptables établis au cours de ces mêmes années. La Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi ; elle estime que la représentation des indivisaires par un mandataire ne prive pas les copropriétaires indivis de parts sociales, qui ont la qualité d’associé, du droit d’obtenir la communication de documents en application de l’article 1855 du Code civil («les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux»). Cette solution, qui avait déjà été énoncée par la cour d’appel de Paris (CA Paris 7 janvier 2009, RG n° 08-14713), se déduit du principe selon lequel la qualité d’associé est reconnue à chacun des indivisaires (notamment, Cass. com., 21 janvier 2014, n° 13-10.151 ; Cass. 3e civ., 17 janvier 2019, n° 17-26.695). En vertu de ce principe, les indivisaires peuvent aussi participer à une assemblée générale, c’est-à-dire être présents lors de l’assemblée et, le cas échéant, prendre part aux débats, alors même qu’ils y sont représentés par un mandataire chargé de voter en leur nom (art. 1844, al. 2 C. civ.). En application de l’article 1855 du Code civil, qui reconnaît aux associés de société civile, outre un droit de communication, le droit de poser des questions écrites sur la gestion sociale, les indivisaires peuvent également poser de telles questions au gérant. Cela étant, l’indivisaire ne peut pas participer au vote d’une décision collective, ce droit étant réservé au mandataire en application des règles propres à l’indivision prévues à l’article 1844, alinéa 2, précité. On tirera trois enseignements de cette solution. D’abord, la portée de l’article 1855 du Code civil se trouve renforcée. Ensuite, elle doit être mise en perspective avec la nouvelle rédaction de l’article 1844 du Code civil issue de la loi n° 2019-744. Enfin, dans la mesure où il n’existe une disposition spéciale prévoyant expressément le droit de communication à chacun des copropriétaires d’actions indivises que pour les SA (art. L. 225-118, C. com.) et SCA (art. L.226-1, C. com., al. 2), la solution est pleinement transposable aux SARL, SAS, SNC et SCS.