[103-2017].- Vente en l’état futur d’achèvement.- Définition des caractéristiques du bien vendu.

par Stéphanie TRINCAL Consultante au CRIDON Lyon
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Cass. 3e civ., 18 mai 2017 n° 16-16.627, publié au bulletin.Lire également ce numéro, Sommaire Vente immobilière n° 40-2017.

Des gens achètent une maison en l’état futur d’achèvement. Ils la voulaient blanche et anthracite comme le prévoyaient la plaquette publicitaire, le permis de construire et la première notice descriptive sommaire signée par les acheteurs en même temps que le contrat préliminaire.
Le promoteur leur livre la maison avec des façades jaune et marron. Le coût de la mise en conformité du coloris des briques s’élève à 76 000 €, somme dont ils demandent le paiement. Cette somme leur est refusée par la cour d’appel parce que la notice descriptive jointe à l’acte de vente ne précisait pas la couleur de la façade.
Le pourvoi formé par les acquéreurs est rejeté parce que la notice descriptive annexée à l’acte de vente avait seule valeur contractuelle et cette notice prescrivait «des murs de terre cuite selon localisation en façade et choix de l’architecte». En d’autres termes, le vendeur pouvait faire ce qu’il voulait. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en remplaçant les briques de petit format qui existaient dans le coloris voulu par de grandes briques d’un autre coloris qui lui revenaient moins cher.
Pour se donner bonne conscience, sans doute, la Haute Cour ajoute que l’acte authentique de vente mentionnait que l’acquéreur déclarait avoir été informé par le vendeur des modifications qui avaient pu être apportées aux plans et notices descriptive depuis la signature du contrat préliminaire. Si le lecteur a déjà signé ou assisté à la signature d’un acte de vente chez un notaire, il appréciera la pertinence de l’argument.
Cet arrêt mérite d’être fraîchement accueilli tant du point de vue juridique qu’économique.
Du point de vue juridique tout d’abord, la notice annexée à l’acte ne mentionnant pas de coloris, il appartenait au juge de rechercher l’intention des parties et donc, de revenir à la plaquette publicitaire, au permis de construire et à la première notice descriptive sommaire pour se demander si les acheteurs avaient consenti une modification du coloris et ce n’est sûrement pas la mention générale que les acquéreurs avaient été informés par le vendeur des modifications qui avaient pu être apportées aux plans et notices descriptives qui établit la réalité de leur accord. En tout état de cause, il n’appartenait pas au juge de considérer qu’à défaut de mention du coloris, le promoteur était libre de son choix.
Du point de vue économique ensuite, la vente en l’état futur d’achèvement est (ou du moins était) un outil juridique remarquable qui a assuré un véritable équilibre entre les besoins du promoteur et ceux des acquéreurs. Son succès pratique a réduit à peu de chose la part du contrat de promotion immobilière, mais il faut se garder de bouleverser cet équilibre si on ne veut pas faire fuir les clients. La Cour de cassation admet déjà, au détriment des acheteurs, que les promoteurs se réservent des tolérances quant aux surfaces vendues (cf. Michel Zavaro, La responsabilité des constructeurs, Litec mai 2007, n° 243, p. 167 et 168). Elle leur permet maintenant de modifier comme ils l’entendent les caractéristiques de l’immeuble pourvu que ces modifications ne soient pas formellement exclues par la notice définitive.