Cass. 3e civ., 14 décembre 2022, n° 21-21.305, publié au bulletin
Article paru dans les Annales des Loyers N° 01-02 de janvier-février 2023
La Cour de cassation nous a réservé pour finir l’année un arrêt qui simplifie les procédures et évitera bien des angoisses aux avocats. Les articles 2224 du Code civil et L. 110-4, 1 du Code de commerce prévoient que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Ces dispositions s’appliquant aux recours des constructeurs coobligés entre eux, la Cour de cassation jugeait qu’une assignation en référé expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal constituait le point de départ du délai de prescription. Cette jurisprudence obligeait l’entrepreneur à assigner préventivement tous les participants à l’opération de construction pour ne pas risquer perdre son droit à recours si l’expert s’attardait sur son dossier.
Au cas d’espèce, l’instance principale s’était déroulée devant la juridiction administrative qui avait ordonné une expertise sur requête du 13 septembre 2011 ; le tribunal administratif avait rendu son jugement le 19 janvier 2016 confirmé par un arrêt du 15 mars 2018. Le recours de l’un des constructeurs contre d’autres n’avait été formalisé que le 6 mars 2018. Il a été déclaré tardif par jugement confirmé le 28 mai 2021 par la cour d’appel de Paris. La Cour de cassation n’a pas hésité à modifier sa jurisprudence pour juger que «l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnation en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures».
La décision est juridiquement discutable puisque la demande d’expertise suppose un intérêt en l’espèce des désordres dont entrepreneurs ou maîtres d’œuvre devraient savoir que le maître de l’ouvrage en est aux prémices de la réparation. La décision est néanmoins tellement bienvenue que l’on ne saurait reprocher à la Haute cour cet arrangement. Tout au plus peut-on regretter qu’elle ne soit pas allée au-delà pour renvoyer dans tous les cas à l’assignation au fond, le point de départ du délai de prescription de l’action récursoire. Évidemment, si elle avait vraiment voulu simplifier elle aurait ajouté la représentation passive des codébiteurs au régime de l’obligation in solidum. Mais est-il permis de rêver ?