[PROPRIETE] Réponse ministérielle.- Exploration urbaine.- Urbex.- Sanctions

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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JOAN Q du 27 avr. 2021, p. 3678. Rép. minist. n° 32200

Article paru dans les Annales des Loyers N° 06 de juin 2021 

Interpellé sur les dangers de la pratique de l'exploration urbaine, dite «urbex», consistant à visiter des lieux construits et abandonnés par l'homme, mais également des lieux interdits, cachés ou difficiles d'accès, le ministre de la justice a souligné que le droit de propriété, ainsi que le droit au respect de la vie privée, constituent des principes à valeur constitutionnelle. Les personnes se filmant sans autorisation à l'intérieur de propriétés privées sont susceptibles de faire l'objet de poursuites pour violation du domicile en application de l'article 226-4 du Code pénal, si ces faits sont portés à la connaissance de la justice. En effet, si la notion de domicile n'est pas définie par le Code pénal, la Cour de cassation considère qu'il n'y a pas lieu d'effectuer une distinction entre l'habitation effectivement occupée au moment des faits et celle qui est momentanément vide de tout habitant. Ainsi, le local peut ne pas être occupé temporairement, l'essentiel est qu'il soit meublé et puisse à tout moment servir de refuge à celui qui dispose de droits sur ledit local. A cet égard, la jurisprudence admet ainsi qu'est assimilé au domicile d'autrui au sens de l'article 226-4 du Code pénal un local industriel ou commercial, des sites industriels clos dont l'accès est interdit à toute personne non expressément autorisée et gardés. En conséquence, dès lors que la pratique dénoncée consiste à visiter des bâtiments, historiques ou non, qui ne sont nullement abandonnés, mais bien habités, les intéressés sont susceptibles d'être poursuivis sur ce fondement. Par ailleurs, indépendamment des dégradations pouvant être commises sur ces sites, l'introduction dans ces locaux implique fréquemment la commission de dégradations, notamment pour altérer les dispositifs de fermeture interdisant l'accès. Dès lors les faits de dégradations de biens privés, le cas échéant aggravées si elles sont commises sur un bien classé ou inscrit au titre des monuments historiques, en application de l'article 322-3-1 du Code pénal, sont également susceptibles d'être poursuivis. Enfin, la lutte contre la diffusion des contenus illicites sur Internet et les réseaux sociaux est une préoccupation essentielle du ministère de la justice. L'article 6 I 8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique permet ainsi à l'autorité judiciaire de prescrire aux hébergeurs ou, à défaut, aux fournisseurs d'accès à internet, en référé ou sur requête, «toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne». Le texte permet ainsi d'enjoindre aux fournisseurs d'accès à Internet, le blocage à partir du territoire national des accès aux sites et autres contenus susceptibles de faire naître un dommage ou occasionnant un dommage. A ce titre, le fait de propager des contenus tendant à inciter à la commission d'infractions, telles que des atteintes aux biens ou à la propriété est susceptible de caractériser le dommage visé par le texte précité. Si la seule mention des coordonnées GPS des bâtiments visités, sans autres éléments de nature à provoquer à la commission d'infractions, semble, en tant que telle, difficilement tomber sous le coup de la loi pénale réprimant la provocation à commettre une infraction, il convient toutefois de rappeler que seule l'autorité judiciaire saisie par les parties intéressées est compétente pour déterminer si les conditions de retrait de ces contenus litigieux sont réunies.