Rép. minist. n° 09965, JO Sénat du 13 juin 2019, p. 3070.
Le ministre des comptes publics a été interpellé par un parlementaire sur l'évolution de la notion juridique d'abus de droit et spécifiquement sur le droit de l’administration, à compter du 1er janvier 2020, de contester des opérations dont le principal objectif est d'éluder l'impôt ou de réduire les charges fiscales (article L. 64 A du livre des procédures fiscales). La question évoquait précisément les inquiétudes sur le traitement réservé par les services fiscaux aux donations de nue-propriété de biens.
De telles opérations sont-elles constitutives d’un «petit abus de droit», également dénommé «mini-abus» par certains observateurs (J.-J. Lubin, obs. ss. Rép. Min. n° 9965 : JCP N 2019, n° 562).
Face à de telles inquiétudes, le ministre a tout d’abord rappelé que le nouvel article L. 64 A du livre des procédures fiscales (LPF), permet à l'administration d'écarter comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
Afin de répondre aux craintes exprimées sur ce nouveau dispositif, il est précisé que l'intention du législateur n'est pas de restreindre le recours aux démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, lesquelles sont, depuis de nombreuses années, encouragées par d'autres dispositions fiscales. À cet égard, il peut être constaté notamment que les articles 669 et 1133 du Code général des impôts qui, respectivement, fixe le barème des valeurs de l'usufruit et de la nue-propriété d'un bien et exonère de droits la réunion de l'usufruit à la nue-propriété, n'ont pas été modifiés.
Ainsi, la nouvelle définition de l'abus de droit telle que prévue à l'article L. 64 A du LPF n'est pas de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l'usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives.
L'administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans chercher à déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables.
Enfin, les précisions sur les modalités d'application de ce nouveau dispositif vont être prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés.