[BAUX] - Droit de visite du bailleur : chez vous, c’est aussi chez moi

par Guilhem GIL - Maître de conférences Aix-Marseille Université
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Le 10 avril 2019 a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale une proposition de loi (n° 1853) visant à autoriser un bailleur à visiter le bien immobilier en location. Ce texte repose sur le constat selon lequel, dans le cadre de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, si le locataire est tenu de laisser le propriétaire visiter les lieux accompagné de professionnels (architecte, artisan, ...) en cas de réparations urgentes ou spécifiques (article 7), en revanche, la loi ne prévoit pas de droit de visite du bailleur ayant pour finalité de vérifier l’état général du bien.

Hors l’hypothèse de travaux urgents ou spécifiques, aujourd’hui, un bailleur n’a pas le droit de visiter un bien qu’il loue sans l’autorisation préalable du locataire. S’il enfreint cette règle, il porte atteinte au respect de la vie privée du locataire et commet une violation de domicile. Si le locataire s’oppose à cette visite, le bailleur ne peut accéder au bien. La solution réside dans l’insertion dans le contrat de bail, d’une clause permettant au bailleur de visiter le bien durant la durée du bail. Cependant, cela ne donne pas davantage le droit au bailleur d’entrer librement dans les lieux : il doit impérativement obtenir préalablement l’autorisation du locataire. En revanche, si ce dernier s’y oppose systématiquement, le bailleur pourra saisir le tribunal d’instance d’une demande d’injonction de faire.
De nombreux bailleurs pensent que la visite de leur bien est autorisée par la loi et ne pensent donc pas à insérer de clause spécifique dans le contrat de location. Aussi, selon les promoteurs du texte, des bailleurs se retrouvent face à des locataires qui dégradent leur bien et, ne pouvant faire constater ces dégradations pendant la durée du bail, ils assistent impuissants à la destruction de leur bien, qu’ils ne pourront récupérer qu’à l’issue du bail ou lorsque les locataires sont expulsés du fait du non-paiement des loyers, après une longue procédure. Par ailleurs, la situation précaire de certains locataires ne permet pas de saisie sur salaire ou le remboursement de la remise en état.
Cette proposition de loi poursuit donc deux buts : le premier vise à rassurer le propriétaire en l’autorisant à visiter le bien régulièrement, mais également de responsabiliser les locataires peu précautionneux. Le second consiste à mettre en place une procédure permettant la remise en état immédiate par le locataire, ou de demander la résiliation de plein droit du bail. Un article unique propose d’instituer un droit de visite du bailleur pour vérifier l’état du bien. Cette visite peut avoir lieu une fois par an durant les deux premières années du bail, puis tous les deux ans. Elle est réalisée par le propriétaire ou un huissier, et le locataire doit en être informé préalablement. Le locataire peut par ailleurs demander à ce que cette visite soit faite par un huissier, qui sera alors rémunéré par le bailleur. Si le bailleur ou l’huissier constate des dégradations et pertes dans le logement (hors force majeure, faute du bailleur ou fait d’un tiers introduit par effraction), une mise en demeure demandant une remise en état peut être adressée au locataire dans le délai de quinze jours suivant la visite. Une contre-visite peut être effectuée par un huissier, dans un délai de trois mois suivant la date de réception de la mise en demeure. À l’issue de cette visite, si la remise en état n’a pas été réalisée ou que le locataire ne rapporte pas de preuve de sa réalisation future certaine, le bailleur peut saisir le tribunal de grande instance. Il appartient ensuite au juge d’apprécier l’importance des dégradations et d’ordonner le cas échéant, soit la remise en état, soit la résiliation de plein droit du bail.