[VOIES D'EXECUTION] - Décision de justice.- Expulsion et perte du bénéfice de la trêve hivernale

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Cass. 2e civ., 19 sept. 2019, n° 19-40.023.

La Cour a été saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’alinéa 3 de l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution. Dans leur rédaction issue de la loi ELAN du 23 novembre 2018, ces dispositions peuvent conduire à la suppression du sursis à toute mesure d’expulsion, non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, au préjudice des personnes entrées dans les lieux par voie de fait. Selon le requérant, ces dispositions auraient porté atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, au droit au respect de la vie privée, ainsi qu’au principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation, dont procède l’objectif à valeur constitutionnelle de la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent. Particulièrement, ces dispositions établiraient une différence de traitement qui, non contente de ne pas être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit, reposerait sur une notion, celle de «voie de fait», qui ne ferait l’objet d’aucune définition établie en droit privé, de manière légale ou jurisprudentielle. 

La Cour a estimé que la question posée ne présentait pas un caractère sérieux dès lors, d’une part, qu’un occupant entré par voie de fait dans des lieux appartenant à autrui se trouve dans une situation différente de celle de tout autre occupant. Dès lors,  la différence de traitement induite par les dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution, qui est fondée sur le critère objectif de la voie de fait, est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. D’autre part, la Cour a jugé que ces dispositions, qui s’inscrivent dans un dispositif global destiné à protéger les locaux servant à l’habitation et à faciliter le relogement des occupants, tendent à assurer la nécessaire conciliation, qu’il appartient au législateur de mettre en œuvre, entre le droit de propriété, et les exigences constitutionnelles invoquées par le requérant. Elle a donc conclu qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.