CEDH, 16 mai 2019, n° 66554/14, Halabi c/ France.
La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie d’un litige portant sur la conformité à l’article 8 de la CEDH de l’article L. 461-1 du Code de l’urbanisme qui autorise les agents de l’État et des collectivités publiques à visiter les constructions en cours et à procéder aux vérifications utiles afin de constater les infractions au droit de l’urbanisme.
Cette disposition avait déjà été contestée en droit interne au regard du droit à l’inviolabilité du domicile mais ces critiques avaient été balayées par la Cour de cassation qui avait estimé que cette disposition n’autorisait aucune mesure coercitive de nature à porter atteinte à l’inviolabilité du domicile ou à la liberté individuelle de l’occupant des lieux, qui n’encourt de sanctions pénales que dans le cas où il fait obstacle au contrôle, lesdites sanctions ne pouvant être prononcées que par le juge judiciaire, également compétent pour apprécier la légalité de la visite (Cass. crim., 12 juin 2012, n° 12 90.024, et Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 13-90.029).
En l’espèce, des agents publics avaient pénétré d’eux-mêmes dans la propriété du requérant dont les portes étaient ouvertes et avaient ainsi pu constater la violation de certaines prescriptions du droit de l’urbanisme.
Le requérant estimait avoir été victime d’une violation de l’article 8 de la Convention car, selon lui, cette mesure n’était pas nécessaire dans une société démocratique dès lors que la recherche des auteurs d’infraction en matière d’urbanisme ne justifie pas le recours aux visites inopinées et sans consentement préalable.
La Cour a estimé que l’entrée d’agents publics au sein du domicile du requérant, sans son autorisation, ainsi que la prise de photos à l’intérieur de cet espace utilisé par le requérant pour des activités relevant de sa vie privée, constituait bien une ingérence.
Elle a également reconnu que cette ingérence reposait sur une base légale interne, la législation en question étant suffisamment accessible et prévisible, même si elle a incidemment mis en cause la compatibilité de l’article L. 461-1 avec le principe de la prééminence du droit dès lors que cette disposition ne précise les modalités d’intervention des agents de l’urbanisme qu’en termes très généraux, sans indiquer les garanties qui encadrent leur intervention.
Elle a encore reconnu que cette ingérence poursuivait les objectifs de prévention des infractions pénales, de protection de la santé, et de protection des droits et libertés d’autrui, qui constituent des buts légitimes.
Néanmoins, après avoir observé, d’une part, que l’obligation de recueillir l’assentiment de l’occupant n’est pas inscrite dans l’article L. 461-1 et, d’autre part, que la possibilité pour l’occupant de s’opposer à une telle visite est purement théorique dans la mesure où un tel refus est en lui-même constitutif d’une infraction pénale, la Cour a estimé qu’en l’espèce le risque de dépérissement des preuves d’une infraction était très limité, pour ne pas dire inexistant, et ne pouvait donc justifier une ingérence dans un domicile sans l’assentiment de son occupant ou, à défaut, sans l’autorisation d’une autorité judiciaire.
En outre, la Cour a relevé que le requérant ne disposait d’aucun recours doté d’un effet utile, ce qui est contraire au principe européen selon lequel l’absence d’autorisation préalable d’un juge, ne peut être contrecarrée que par un contrôle judiciaire ex post factum sur la légalité et la nécessité de cette mesure d’instruction.
En conclusion, la Cour a considéré que, faute d’accord de l’occupant ou à défaut d’une autorisation judiciaire, et a fortiori en l’absence d’une voie de recours effective, la visite effectuée par les agents assermentés n’était proportionnée aux buts légitimes recherchés et qu’il y avait donc eu violation de l’article 8 de la Convention.