Le Conseil constitutionnel vient de déclarer non conforme à la Constitution l’article L. 600-13 du Code de l’urbanisme qui, dans sa rédaction antérieure à la loi ELAN, prévoyait la caducité de la requête introductive d'instance en l'absence de production des pièces nécessaires au jugement.
Par cette décision, le Conseil constitutionnel, venant après le législateur, signe à son tour l’arrêt de mort d’une disposition qui n’avait jamais réussi à convaincre de la pertinence de son existence. Ce texte, issu de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, prévoyait la caducité de la requête introductive d'instance lorsque, sans motif légitime, le demandeur ne produisait pas les pièces nécessaires au jugement de l'affaire dans un délai de trois mois à compter du dépôt de la requête ou dans le délai imparti par le juge. Le rapport Maugüé avait proposé d’abroger ce texte qui avait été unanimement critiqué pour son caractère peu lisible et peu praticable (Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace, janvier 2018, p. 18). Le législateur avait entendu cet appel lors de l’élaboration de la loi ELAN du 23 novembre 2018 dont l’article 80 a abrogé cette disposition. Le législateur s’étant occupé de l’avenir, restait à traiter la question du passé au travers de l’intervention du Conseil.
En l’espèce, le requérant soutenait que les dispositions contestées auraient porté une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif, en matière de contentieux de l'urbanisme, dès lors que la déclaration de caducité prononcée par le juge fait obstacle à ce que l'instance se poursuive, alors même qu'elle a été introduite dans les délais légaux. Il soutenait également que, en ne définissant pas la notion de «pièces nécessaires au jugement de l'affaire», le législateur aurait méconnu l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi affectant ainsi le droit à un recours juridictionnel effectif.
Le Conseil a estimé que, certes, le législateur a poursuivi au travers de ce texte un objectif d'intérêt général en entendant limiter les recours dilatoires. Néanmoins, le Conseil a relevé que la notion de «pièces nécessaires au jugement d'une affaire» est insuffisamment précise pour permettre à l'auteur d'une requête de déterminer lui-même les pièces qu'il doit produire et que le juge administratif peut prononcer la caducité de la requête sans être tenu, préalablement, ni d'indiquer au requérant les pièces jugées manquantes ni même de lui préciser celles qu'il considère comme nécessaires au jugement de l'affaire. Il a également souligné que si la déclaration de caducité peut être rapportée lorsque le demandeur fait connaître un motif légitime justifiant qu'il n'a pas produit les pièces nécessaires au jugement de l'affaire dans le délai imparti, elle ne peut en revanche être rapportée par la seule production des pièces jugées manquantes. En outre, dès lors que la caducité a été régulièrement prononcée, le requérant ne peut obtenir l'examen de sa requête par une juridiction ; il ne peut introduire une nouvelle instance que si le délai de recours n'est pas expiré.
Au vu de ces éléments, le Conseil a estimé que les dispositions contestées portaient au droit à un recours juridictionnel effectif une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi et méconnaissaient donc les exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de la publication de la décision du Conseil.
Conseil constitutionnel 19 avril 2019, n° 2019-777, QPC