Droit foncier privé | L’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux de l’article 640 du Code civil par le fonds supérieur
- par Philippe BOULISSET, Avocat au barreau d’Aix-en-Provence
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L’article 640 du Code civil dispose : «Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l’homme y ait contribué.
Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.
Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur».
La servitude d’écoulement des eaux fait partie de la catégorie des servitudes naturelles qui dérivent de la situation des lieux. Elle est imposée par la nature des lieux et, à ce titre, n’a pas besoin d’autre preuve que la situation des lieux, preuve que, selon la pente naturelle du terrain, les eaux ruissellent de sa propriété sur celle du propriétaire du fonds servant1.
Indépendamment de cette source légale, les propriétaires du fonds sont en droit d’établir l’existence d’une servitude d’écoulement des eaux naturelles pluviales – voire usées – par convention, dont la principale manifestation est celle de la destination du père de famille, ou en vertu de la prescription acquisitive.
A condition de ne subir aucun préjudice, le propriétaire d’un héritage est tenu de recevoir les eaux du fonds supérieur, même si, par suite de travaux exécutés dans ce dernier fonds, pour l’utilité de son exploitation, le cours des eaux est devenu plus abondant et plus continu que celui résultant de la disposition naturelle des lieux2.
Le propriétaire du fonds servant (fonds inférieur) ne peut rien faire pour s’y soustraire mais, de son côté, le propriétaire du fonds dominant (fonds supérieur) ne peut aggraver la servitude.
Cette servitude est générale. On considère, en effet, qu’elle s’applique à tous les fonds et qu’elle existe en faveur de tous. Découlant de la nature même des lieux, le vendeur n’a pas à mentionner l’existence d’une telle servitude dans l’acte de vente. Les servitudes naturelles ne donnent lieu à aucun règlement entre les propriétaires respectifs des fonds servants et dominants, de sorte que le propriétaire du fonds inférieur ne peut prétendre à se faire indemniser par le propriétaire du fonds supérieur des dommages causés à son bâtiment par le ruissellement des eaux de pluie.
Les dispositions de l’article 640 du Code civil doivent, par ailleurs, composer avec le cahier des charges d’un lotissement. Ainsi, en statuant sur le fondement des .dispositions de l’article 640 du Code civil relatives à la servitude d’écoulement des eaux pluviales sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces dispositions légales étaient applicables au litige dès lors que les fonds des deux parties se situaient dans un lotissement dont le cahier des charges comportait diverses dispositions relatives à l’évacuation des eaux pluviales, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1143 du Code civil (devenus, respectivement, 1103 et 1222)3.
Dans ce cadre, il y a lieu de déterminer les tenants et les aboutissants de cette interdiction d’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux par le fonds supérieur pour envisager ensuite les sanctions encourues.
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À suivre
• L’interdiction d’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux par le fonds supérieur
• La sanction de l’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux
1. CA Reims, 16 avril 2024, n° 22/01694.
2. CA Rennes, 26 mars 2024, n° 21/03813.
3. Cass. 3e civ., 26 févr. 2013, n° 12-12999.
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