Les modes d’acquisition de la propriété par les personnes publiques : La prescription acquisitive

par Samuel DELIANCOURT, Premier conseiller CAA de Lyon
Affichages : 939

©AdobeStock_304604448

La prescription acquisitive - ou usucapion - constitue un mode tout à fait particulier et original d’acquisition de la propriété. Ainsi, selon l’article 712 du Code civil, «La propriété s’acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription». L’article 2258 du même Code la définit ainsi : «La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi». Le délai de prescription en principe (c’est-à-dire non abrégé) requis pour acquérir une propriété immobilière est de 30 ans en vertu de l’article 2272 du Code civil. L’article 2261 précise que «Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire». Ces dispositions exigent la réunion de deux conditions, un élément intentionnel (animus) et donc subjectif qu’est la volonté de se comporter comme un propriétaire, laquelle est présumée en vertu de l’article 2256 du Code civil, ainsi qu’un élément matériel (corpus), objectif, consistant en des actes et comportements matériels traduisant et manifestant cette volonté.

Les biens immobiliers des collectivités publiques sont protégés de la prescription acquisitive de la part de personnes privées comme publiques, mais seulement pour partie : seuls les biens en effet relevant du domaine public sont par nature inaliénables et imprescriptibles. S’ils ne peuvent être usucapés, tel n’est en revanche pas le cas de ceux relevant de leur domaine privé. Sont notamment concernés les chemins ruraux relevant du domaine privé communal par détermination de la loi qui peuvent, en principe, faire l’objet d’une appropriation par certains propriétaires, le plus souvent riverains. A l’inverse, les personnes publiques peuvent-elles bénéficier de la prescription acquisitive ? 

D’une part, le Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P)  entré en vigueur le 1er juillet 2006 ne la mentionne pas parmi les procédés d’acquisition de la propriété par les personnes publiques. D’autre part, si la lecture du Code civil ne laissait sur cette question aucun doute puisque l’ancien article 2227 disposait : «L’État, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer», cette disposition a été supprimée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, bien que ce n’était pas prévu dans la proposition de loi initialement déposée par le sénateur J.-J. Hyest. La question est d’importance pratique et a donné lieu à divers contentieux.

...

Vous avez lu 15 % de l'article paru dans les Annales des Loyers N° 09 de septembre 2023

À suivre

I.- Un transfert de propriété sans indemnité ne portant pas atteinte au droit de propriété constitutionnellement et conventionnellement protégé 

II.- Les modalités d’acquisition prévues par le CGPPP pour les personnes publiques 

A.- Un droit de propriété classiquement protégé 

B.- Les modes d’acquisition de la propriété prévus par le CG3P 

III.- Les modes d’acquisition énumérés par le CG3P sont-ils limitatifs ? 

A.- Des jurisprudences judiciaires contradictoires 

B.- La position claire et bienvenue adoptée par la Cour de cassation le 4 janvier 2023

IV.- Comment acquérir par voie de prescription ?

A.- La compétence de l’autorité judiciaire 

B.- La justification libre de la possession 

C.- L’absence nécessaire de publication 

D.- Les effets de l’appropriation

 ©AdobeStock_304604448

PDFAcheter cette chronique en version PDF
pour 19,99 € seulement sur edilaix.com

Abonnez-vous ou connectez-vous pour lire la suite.