L'essentiel
Article paru dans les Annales des Loyers N° 03 de mars 2024
Une convention d’occupation précaire n’étant pas un bail, le propriétaire du local n’est pas soumis à l’obligation de délivrance prévue par l’article 1719 du Code civil.
Cass. 3e civ., 11 janvier 2024, n° 22-16.974, FS-B
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Le commentaire
En vertu de l’article L. 145-5-1 du Code de commerce, issue de la loi Pinel du 18 juin 2014, la convention d’occupation précaire («COP» ci-après) se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties. Cette définition n’est que la reprise de la jurisprudence qui considère que la COP se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’en raison de circonstances exceptionnelles ou particulières.
Surtout, la COP n’est pas un bail statutaire. L’article précité précise lui-même que la COP n’est pas soumise au statut. Selon la jurisprudence, cette convention n’est pas un bail, de sorte que le droit commun du louage se trouve exclu, même à titre supplétif des volontés, comme du statut des baux commerciaux, puisque l’un des critères d’application de ce statut est précisément l’existence d’un bail. Il s’ensuit que l’occupant à titre précaire ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du Code civil, mais doit établir un manquement de son cocontractant à ses obligations contractuelles.
Dans l’arrêt commenté, une société a consenti une COP sur un local à usage de stockage. À la suite d’un dégât des eaux, l’occupant a assigné le propriétaire en réparation de son préjudice. La cour d’appel de Bordeaux a retenu le manquement de la société propriétaire à son obligation de délivrance et l’a condamnée à la réparation des préjudices subis. La société propriétaire a formé un pourvoi en soutenant que la convention d’occupation précaire ne comprend aucune obligation de délivrance et que l’arrêt devait être cassé en ce que la cour avait retenu que la propriétaire avant manqué à cette obligation, sans dire en quoi la convention d’occupation précaire comprenait une telle obligation.
Dans son arrêt du 11 janvier 2024, la Cour de cassation casse l’arrêt en mettant en parallèle les obligations de l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et l’article 1719 du Code civil.
Il résulte de ce premier texte que, sauf cause étrangère, le débiteur d’une obligation contractuelle est tenu de réparer le préjudice causé à son co-contractant en raison de l’inexécution fautive ou réputée fautive de cette obligation et du second, que le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.
Comme le juge la Cour de cassation, une convention d’occupation précaire n’étant pas un bail, l’occupant ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du Code civil, mais sur le fondement de l’article 1147 précité doit établir un manquement de son co-contractant à ses obligations contractuelles pour pouvoir revendiquer la réparation d’un préjudice.
En l’occurrence, il n’existait dans la convention aucune obligation de cette nature à la charge du propriétaire. Pourtant, l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux avait retenu que l’existence d’infiltrations dans le local, même si leur cause restait indéterminée, caractérisait un manquement de la société propriétaire à son obligation. La cassation était inévitable puisque la Cour de cassation énonce qu’en statuant ainsi, alors que la convention d’occupation précaire n’est régie que par les prévisions contractuelles des parties, la cour d’appel a violé les textes susvisés, dès lors que la cour d’appel n’avait pas caractérisé l’existence dans la convention d’occupation précaire d’une obligation de cette sorte. La COP n’étant pas un bail, l’occupant ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du Code civil, de sorte qu’il doit établir un manquement de son cocontractant à ses obligations contractuelles.
Cette solution est conforme à la jurisprudence qui a exclu l’application supplétive des dispositions du Code civil à défaut de clause dans la convention.
Mais si la COP n’est pas un bail statutaire, par quelles dispositions est-elle régies ? La réponse est très claire : uniquement par ses clauses et conditions, outre le droit commun des contrats.
Par nature, la convention d’occupation précaire est un contrat synallagmatique qui suppose des obligations réciproques (C. civ., art. 1106) : le propriétaire confrère à l’occupant le droit d’occuper son local et l’occupant s’oblige, en contrepartie, à payer une redevance. Ainsi, l’article 1163 du Code civil précise que l’objet de l’obligation est une prestation qui doit être «possible» au moment de la formation du contrat. En l’espèce, l’objet de la convention d’occupation précaire était un local de stockage. De plus, l’article 1166 du Code civil dispose que «Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie». D’après les prévisions contractuelles, le local devait donc permettre un usage de stockage. L’humidité est rarement compatible avec cet usage et on peut raisonnablement penser que l’occupant était en droit d’attendre que le local reste sec.
L’usage de stockage étant dans le champ contractuel, l’obligation essentielle du propriétaire, au sens de l’article 1170 du code civil, était donc bien de fournir un local propre à cet usage. Par conséquent, même si l’obligation de délivrance, propre au bail, telle que prévue par l’article 1719 du Code civil, n’était pas applicable, il n’en reste pas moins que le propriétaire devait, dans les prévisions des parties, fournir un local permettant un usage de stockage. Il l’avait très certainement fourni à l’origine de la convention, sans quoi l’occupant n’aurait pas signé la convention, mais il n’était peut-être pas tenu de l’entretenir en état de servir à cet usage, pendant toute la durée de l’occupation, compte tenu de la précarité de celle-ci.
Cela étant, au-delà du droit commun, dans la mesure où la COP est exclusivement régie par ses clauses et conditions, une attention toute particulière doit être réservée à sa rédaction. Ainsi, les rédacteurs devront prendre soin, soit d’être extrêmement précis dans leur rédaction, soit de faire expressément référence au droit commun du louage.