Bail commercial : Droit de préférence du preneur commercial, précisions de la Cour de cassation
- par Bastien BRIGNON - Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille
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L’essentiel
Article paru dans les Annales des Loyers N° 11 de novembre 2021
Dès lors que la notification de l’offre de vente, en application de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, a été adressée au locataire préalablement à la vente, le propriétaire a tout à fait le droit de confier, antérieurement, un mandat de vente à un intermédiaire et ainsi, par exemple, signer une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur.
De plus, le fait que l’offre de vente mentionne les honoraires de négociation d’un agent immobilier, que le preneur savait ne pas avoir à supporter, n’est pas une cause de nullité de cette offre.
Cass. 3e civ., 23 septembre 2021, n° 20-17.799, publié au bulletin
Le commentaire
La loi Pinel du 18 juin 2014 a institué en matière de bail commercial un droit de préférence au profit du preneur lorsque le bailleur «envisage» de vendre l’immeuble abritant ledit bail. Cette nouveauté, qui s’inspire du droit de préférence dont bénéficie le titulaire d’un bail d’habitation, résulte dorénavant de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. Tant dans son principe que dans sa mise en œuvre voire dans sa qualification ou sa nature, ce droit de préférence a fait couler beaucoup d’encre, en particulier s’agissant de l’interprétation de ce verbe «envisager».
La jurisprudence et la doctrine ont ainsi exprimé deux positions opposées : il a été admis que le bailleur n’avait pas à attendre une offre d’achat pour informer le preneur de la possibilité qu’il a de se porter acquéreur. Autrement dit, dès que le propriétaire pense à vendre son immeuble, il doit, avant toute chose, offrir à son locataire d’exercer son droit de préférence. A l’inverse, il a été jugé que le bailleur pouvait entamer des démarches aux fins de la commercialisation de son bien afin de déterminer l’existence d’un marché et la valeur du bien avant d’en offrir la vente par préférence au locataire.
Tel était précisément le cas en l’occurrence, le propriétaire ayant même signé une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur. De plus, le prix offert incluait les honoraires de l’intermédiaire immobilier. Pour le preneur, non seulement ses intérêts étaient lésés car il aurait dû en être informé antérieurement, mais encore l’offre de vente devait être considérée comme nulle en ce qu’il n’avait pas à supporter l’intervention d’un intermédiaire, agent immobilier, inutile.
Débouté par la cour d’appel, il forme un pourvoi en cassation.
Son pourvoi est doublement rejeté par l’arrêt, important, du 23 septembre 2021 : d’une part, la notification de l’offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le bailleur avait pu engager des démarches en vue de cette vente avant la notification ; le fait que le bailleur ait conclu une promesse de vente sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du locataire n’invalidait pas l’offre de vente, bien au contraire (I). D’autre part, si l’offre de vente notifiée au locataire commercial ne peut pas inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d’un agent immobilier, dès lors qu’aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi, la seule mention du montant des honoraires de l’agent immobilier en plus du prix de vente principal n’est pas une cause de nullité de l’offre adressée au locataire, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge et dans l’esprit duquel cette mention n’avait introduit aucune confusion (II).
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