Cass. 3e civ., 7 février 2019, n° 17-23.113, inédit.
Des terres sont données à bail par un GFA et mises à disposition d’une EARL. La preneuse reçoit un congé fondé sur l’âge. Avant le terme du bail, elle sollicite la cession du bail au profit de son partenaire de PACS. La cession est autorisée par les juges du fond dans la mesure où le cessionnaire pressenti dispose de la compétence requise (BPA) et qu’il possède, par l’intermédiaire de l’EARL à laquelle il est associé, le cheptel et le matériel lui permettant d’assureur l’exploitation du fonds. Autrement dit, il répond aux conditions posées par l’article L. 411-59 dont la jurisprudence étend l’application à la cession du bail lorsqu’elle est autorisée. La décision sera cassée. Selon la Cour de cassation, les juges n’ont pas vérifié, comme il le leur était demandé, si le candidat à la cession participait «effectivement» à l’exploitation des terres données à bail.
La solution se justifie parfaitement. En matière de cession dans un cadre familial, le contentieux se focalise souvent sur les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier de l’autorisation judiciaire de céder (bonne foi du preneur et aptitude du cessionnaire pressenti). Il ne faut pas pour autant oublier les conditions qui déterminent les bénéficiaires de la cession. Elles ne sont pas tout à fait les mêmes selon que l’on est descendant ou conjoint, ou partenaire de PACS, seules personnes à pouvoir bénéficier d’une cession ou d’une association au bail. Le conjoint ou le partenaire doit participer à l’exploitation alors que le descendant non. Plusieurs remarques peuvent être faites à partir de cette exigence. La formule du texte implique une participation au moment où la cession est envisagée. Elle n’est donc pas aussi souple que dans le cas de transmission à cause de mort. Pour celle-ci, il suffit que la participation ait eu lieu au cours des cinq dernières années si elle n’est pas concomitante au décès (C. rur., art. L. 411-34). La formule ne l’implique pas, mais la jurisprudence impose que cette participation ait lieu sur les terres affermées et pas simplement sur des biens faisant partie de l’exploitation du preneur (Cass. 3e civ., 9 oct. 1996, n° 94-20.108, Bull. civ. III, n° 209, JCP N 1997, 1111, obs. J.-P. Moreau). Enfin, la formule ne le comporte pas, mais la solution ajoute le terme «effectivement» à l’exigence de participation. Cet adverbe se retrouve dans un certain nombre de textes qui imposent cette condition : transmission du bail à cause de mort, salaire différé (C. rur., art. L. 321-13) et attribution préférentielle (C. civ., art. 831). Il faut certainement y voir une volonté d’uniformiser l’exigence. Il ne s’agit pas, dans notre hypothèse, de réserver la possibilité de céder à la situation de coexploitation, mais de l’ouvrir à toute participation régulière aux travaux de nature agricole. La participation ne peut donc concerner les tâches complémentaires que nécessiterait une exploitation. Le preneur doit, en tout cas, prouver que cette condition est remplie.
Rappelons que, selon l’article L. 411-68 du Code rural et de la pêche maritime, lorsque des époux participent ensemble et de façon régulière à une exploitation, le titulaire du bail ne peut, sans le consentement de l’autre, accepter la résiliation, céder le bail ou s’obliger à ne pas en demander le renouvellement. La condition de participation est un peu plus poussée dans ce cas, et les personnes visées ne sont plus tout à fait les mêmes : la disposition ne bénéficie qu’aux personnes mariées. On le voit, la forme de conjugalité choisie n’est pas anodine en matière de droit rural …