[BAIL] - Veille.- Rapport Nogal.- Relations bailleur.- locataire : cent fois sur le métier remets ton ouvrage

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Intitulé «Louer en confiance», le rapport Nogal a été publié le 18 juin 2019.

Ce document dresse à titre liminaire le constat selon lequel, même si le régime légal encadrant les relations entre bailleurs et locataires est globalement équilibré, il comporte néanmoins ce que l’auteur du rapport qualifie de «nœuds à conflits» qu’il importe de dénouer pour instaurer plus de confiance entre bailleurs et locataires. 

Cette promotion de la confiance fait l’objet de la première partie du rapport visant à éradiquer les sources de tensions entre les parties au bail. La mesure phare consiste à rendre obligatoire le versement des dépôts de garantie perçus par les propriétaires bailleurs dans le secteur privé auprès d’un organisme agréé qui le conservera jusqu’à la fin de la location.
Parmi les autres mesures, il est proposé également :
- de mettre en place un observatoire des délais de traitement des procédures d’expulsion en matière d’habitation ;
- de confier à une personnalité indépendante le soin d’élaborer un projet de grille de vétusté, appelée à être rendue obligatoire par décret ;
- d’uniformiser la réglementation sur les pièces qui peuvent être exigées des candidats à la location ; d’informer sur les limites et inconvénients des cautions de personnes physiques et de promouvoir les alternatives ;
- d’engager une réflexion sur les plafonds d’honoraires de location à la charge des locataires ;
- d’élargir l’objet de la notice d’information sur les droits et obligations annexée aux contrats de bail d’habitation.


La deuxième partie du rapport est consacrée à l’amélioration de la gestion déléguée et vise à promouvoir ce que le document dénomme un nouveau modèle de mandat «gagnant-gagnant». Il est ici proposé de modifier la loi Hoguet pour imposer simultanément dans tout mandat de gestion locative trois éléments :
- l’administrateur de biens garantit au propriétaire le paiement des loyers et charges à la bonne date quels que soient les retards du locataire et prend en charge la remise en état du bien suite à dégradations au-delà du montant du dépôt de garantie et tous les frais éventuels de procédure ;
- l’administrateur de biens se couvre de cet engagement en souscrivant une assurance en excédent de pertes ;
- toute clause générale imposée à l’administrateur de biens pour exclure certains locataires de la garantie au regard du niveau ou de la composition de leur revenu est interdite dans ces contrats d’assurance.


Sont également évoquées l’évolution des critères d’aptitude à la profession d’agent immobilier, la mise en place d’une certification professionnelle dite «Immo+» ainsi que le renforcement de l’effectivité de l’obligation de formation continue comme des sanctions frappant les infractions les plus graves telles que la complicité avec les marchands de sommeils ou la discrimination dans la sélection des locataires.

Enfin, la troisième partie évoque des mesures propres à développer le rôle joué par le parc locatif privé dans la politique d’accès au logement. Sont ici évoquées des mesures de nature fiscale liées au maintien d’un dispositif de crédit d’impôt en faveur de l’investissement locatif dans le neuf et dans l’ancien avec réhabilitation lourde ou encore à la prolongation de dispositifs d’aide à la location dans un but social. Plusieurs propositions touchent également à la mobilisation du secteur locatif privé en vue de la rénovation énergétique des logements, notamment en exhortant le pouvoir réglementaire à ne pas préciser la norme minimale de performance énergétique dans le décret décence.
M. Nogal, rapport au Premier ministre : Louer en confiance, 37 propositions pour un développement équilibré et conforme à l’intérêt général du parc locatif privé, juin 2019.



Des réactions nuancées

 


Dans un communiqué de presse du 21 juin 2019, l’UNIS estime que ce rapport «souffle le chaud et le froid». Certes, l’organisation souligne que ce document identifie les administrateurs de biens et les agents immobiliers comme les pivots d’une politique redonnant confiance au bailleur dans la relation locative.
Est ainsi particulièrement remarquée, la proposition de mettre en place un modèle de mandat de gestion permettant à l’administrateur de biens d’apporter lui-même une garantie totale sur le paiement des loyers. Néanmoins l’association note qu’en contrepartie, des pans entiers de la loi Hoguet seraient à revoir, tant sur la formation professionnelle initiale et continue que sur les personnels habilités à s’intermédier. Il est également regretté que ce rapport remette en question des lois pourtant récentes comme la loi ALUR de 2014 et la loi ELAN de 2018. Enfin, selon l’organisation, les mesures proposées semblent être trop ciblées sur les zones tendues et très tendues  et mettent trop l’accent sur les particularismes du marché parisien qui ne représente pas la situation du marché national.


Une même approche partagée émane de la FNAIM qui, dans un communiqué du 19 juin 2019, estime dans un premier temps que ce rapport présente des qualités de sérieux et reconnaît le rôle clé des professionnels de l’immobilier.
L’organisation salue sur ce point des pistes de travail intéressantes et allant dans le bon sens, à l’image de l’établissement d’une grille de vétusté ou la prise en charge des loyers et charges impayés par les agents immobiliers.
Néanmoins, il est également fait état dans ce communiqué d’une nécessité de poursuivre les échanges sur des points qui apparaissent en l’état inaboutis, tels que la centralisation des dépôts de garantie via un fonds de sécurisation géré par un organisme agréé, jugée être un mauvais signal envoyé aux bailleurs, ou encore l’évolution des critères d’aptitude à la profession d’agent immobilier, la mise en place d’une meilleure formation des agents ou l’instauration d’une certification "Immo +", considérées comme étant des sources de potentielles confusions.
Enfin, l’organisation regrette également l’absence de mise en place du statut de bailleur privé, estimée être un élément essentiel dans la reconnaissance des particuliers dans leur rôle d’investisseur.

On retrouve encore cette approche du côté des associations de consommateurs, ainsi qu’en témoigne le communiqué publié le 19 juin 2019 par la CLCV qui juge que ce rapport laisse un goût d’inachevé. 
Certaines propositions sont considérées comme intéressantes, telle l’obligation pour les professionnels de garantir le paiement des loyers, le renforcement de la transparence dans les relations locataire-bailleur par le biais d’un extranet ou le renforcement de la lutte contre l’habitat indigne et les discriminations.
Mais l’association affirme rester sur sa faim et estime que ce rapport semble avoir été conçu dans le but unique de renforcer la part de marché des professionnels de l’immobilier. Par ailleurs, l’association souligne que certaines propositions paraissent relever de la «fausse bonne idée», à l’instar de la consignation du dépôt de garantie, qui si elle est d’apparence simple, risque de devenir trop complexe en cas de litige ou de restitution tardive par l’organisme dépositaire. De même, la proposition d’instaurer une grille de vétusté au niveau national n’est pas jugée comme étant viable.
En somme, le rapport est regardé comme étant frileux à force d’éviter ce que le communiqué dénomme les «sujets qui fâchent» comme l’encadrement des loyers ou le renforcement de la commission de contrôle des professionnels de l’immobilier.