[COVID-19] Veille.- Rapport.- Logement.- Plan de relance

par Guilhem GIL - Maître de conférences à Aix-Marseille Université
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Commission des affaires économiques du Sénat, Rapport d’information n° 535

Dans un rapport publié le 17 juin 2020, la commission des affaires économiques du Sénat tente de faire le point sur les effets de l’épidémie de Covid-19 en matière de logement. Le document dresse tout d’abord le constat selon lequel la crise économique et sociale est à venir, ce qui implique un besoin accru d’aides dans le secteur du logement, notamment les APL. Cette crise va, également, entraîner plus d’impayés de loyer, plus de demandes de logements sociaux, plus de précarité et de concentration de pauvreté dans certains territoires. Elle va aggraver la crise du logement et environ 100 000 logements pourraient ne pas être construits cette année, soit un quart des réalisations annuelles avec sans doute des effets d’entraînement négatifs sur 2021. En outre, la volonté de relancer l’activité pourrait buter sur la faillite d’un grand nombre d’entreprises, le manque de main d’œuvre, les surcoûts et la baisse de la productivité liés aux «gestes barrière» et la complexité du droit de l’urbanisme. Après avoir mis en lumière les diverses difficultés sociales ou économiques révélées durant la période du confinement, le rapport propose quatre axes pour la relance du secteur de l’immobilier.

Le premier est intitulé «Construire plus». Il y est préconisé de s’appuyer sur trois acteurs : les HLM, Action Logement, les investisseurs institutionnels. S’agissant des bailleurs sociaux, les auteurs du document estiment qu’ils doivent retrouver les moyens d’agir, ce qui implique de revenir sur la réduction de loyer de solidarité (RLS), soit une ponction annuelle de 1,3 milliard d’euros à laquelle s’ajoute notamment une TVA qui n’est pas uniformément revenue à 5,5 %. En ce qui concerne Action Logement, il est proposé de recentrer cet organisme sur sa mission première qui est de loger les salariés suivant sa politique propre, plutôt que de financer des politiques publiques qu’il n’a pas décidées. Enfin, il est recommandé de favoriser le retour des investisseurs institutionnels qui se sont presque complètement retirés du marché du logement, ne possédant que moins de 1 % des résidences principales. Cette implication des investisseurs institutionnels pourrait notamment permettre d’écarter les menaces qui pèsent sur l’avenir de l’immobilier de bureau, victime de l’expérience de télétravail massif pendant plusieurs mois. Cet épisode pourrait cependant constituer une double opportunité pour reconvertir des espaces de travail en logements dans les centres-villes et pour conduire les investisseurs institutionnels à se repositionner sur le logement. Mais cela nécessite des incitations consistant notamment à considérer l’investissement locatif comme un investissement productif économiquement et socialement, à garantir un taux de TVA à 5,5 % dans les opérations de transformation en logement, quelle que soit leur ampleur et, éventuellement, à contraindre les assurances-vie à consacrer une partie de leur encours au logement. Ces éléments doivent, en arrière-plan, être épaulées par ce que le rapport dénomme un «Ségur de la simplification du droit de l’urbanisme». Face à la complexité du droit de l’urbanisme, les auteurs du rapport préconisent en effet une large consultation dès cet été afin de définir, grâce aux propositions des acteurs eux-mêmes, un cadre juridique plus agile pour relancer la construction.

Le deuxième axe du rapport est intitulé «Construire mieux» et vise à promouvoir un immobilier compatible avec les objectifs de développement durable tels que l’accélération de la rénovation thermique des bâtiments ainsi que la compatibilité de l’effort de construction avec la sobriété foncière. Constatant que la rénovation énergétique progresse presque deux fois moins vite que souhaité car elle représente d’importants investissements, le document suggère, tout d’abord, d’élargir le CITE et de modifier «Ma Prime Rénov’». Est également évoquée la piste des «energy service company» (ESCO) qui sont des entreprises qui portent le poids financier des grandes rénovations en s’endettant et en se remboursant grâce aux économies dégagées sur longue période.

Le troisième axe, dénommé «Sécuriser l’accès au logement» vise à la fois à garantir l’accès et le maintien dans le logement mais également à préserver la mobilité et le parcours résidentiel des ménages. Cet objectif implique notamment une restructuration des hébergements collectifs ou en foyer pour les rendre résilients à de futures épidémies, le contexte actuel pouvant constituer une opportunité pour acquérir des infrastructures. Le rapport insiste également sur la nécessaire prévention des impayés de loyer afin de garantir le maintien dans le logement. Sont alors recommandées une revalorisation des APL, la mise en place d’une aide à la quittance d’urgence demandée par la Fondation Abbé Pierre ainsi que la solidarité nationale avec les départements où se concentre la précarité. Le document souligne le besoin de soutenir les primo-accédants et propose à cette fin la relance de l’APL-Accession et du prêt à taux zéro, le développement des Offices fonciers solidaires (OFS) et la généralisation des «chartes promoteurs» pour réguler les prix du foncier et des logements.

Le quatrième et dernier axe est intitulé «Relancer la politique de la ville» et propose notamment de relancer l’ANRU. Les auteurs du rapport soulignent que le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) tarde à entrer en phase opérationnelle et fait l’objet d’une sous-consommation des autorisations accordées. Sont alors préconisées la mise en œuvre effective du NPNRU, notamment sur tous les chantiers de réhabilitation qui peuvent être opérationnels immédiatement ainsi que l’impulsion par l’ANRU d’un plan de relance partenarial dans les QPV dès cet été.